Pinceaux, ampoules et engrenages
Brushes, Bulbs and Gears

Il y a un ou deux ans, j’avais reproché à certains d’utiliser le terme de « test » pour désigner des critiques de jeux. Je pensais que ce n’était qu’une faute de français; les réactions auxquelles je me suis heurté ont montré que le problème était plus sérieux et plus inquiétant, et relevait de la même vision technicienne du jeu, absurde parce que réductrice, à laquelle le jeu video est enfin et péniblement en train d’échapper.
Je me trouve aujourd’hui un peu face au même problème en voyant les couvertures de beaucoup de jeux publiés ces derniers mois. Lorsque les jeux sont abondamment et joliment illustrés, ce qui est de plus en plus fréquent, auteur et illustrateur sont de plus en plus souvent cités sur la boite de jeu de manière similaire, ce qui est très bien. Une habitude venue de la bande dessinée est en train de s’installer, qui consiste à indiquer le rôle de chacun par une petite icône. Pourquoi pas, mais le diable est dans les détails.

Pour les illustrateurs, l’icône est en général un crayon ou un pinceau, ce qui me semble parfaitement adapté, même si beaucoup de dessinateurs ne travaillent plus guère que sur écran. Pour les auteurs, en revanche, l’icône représente le plus souvent des engrenages, ce qui revient à ramener un jeu à sa mécanique. La mécanique est l’essence de certains jeux, mais pas de tous, loin de là. La création ludique est une dialectique mettant en jeu des mécanismes, des thèmes, des références, des clins d’œil. Ce n’est certes pas tout à fait un boulot d’écrivain, mais ce n’est pas non plus un boulot d’ingénieur. Mon travail, tel que je le pratique, me semble assez proche de celui d’un scénariste de film ou de BD, que personne ne va représenter par des engrenages.

On peut, comme je viens de le voir sur la boite de Paper Tales, représenter l’auteur par un stylo, mais c’est peut être aller un peu loin en sens inverse, car si l’engrenage nie la dimension littéraire de la création ludique, la plume en nie la dimension technique, et ne peut donc convenir aux jeux relativement abstraits d’adresse ou de stratégie, et même à certains jeux « à l’allemande ». La bonne icône me semble être celle choisie entre autres par Iello ou Bombyx, une ampoule, représentation d’idées qui peuvent être aussi bien littéraires que techniques. Mon ami et un peu auteur de jeu Gwenael Bouquin propose quant à lui une chope de bière pour l’auteur et une tasse de café pour l’illustrateur.


One or two years ago, I reproached a few French game reviewers for using the word « test » to describe game reviews. I thought it was just a vocabulary mistake. The reactions I faced proved the issue was deeper and more worrying, revealing an absurd and reductive technician conception of boardgames, the same one video games are slowly and painfully getting rid of.
I have the same problems when looking at the covers of many recently published boardgames. The quality of boardgames illustrations improved greatly these last years. More and more often, both the designer and illustrator are named on the box cover, which is fair. As is already the case for comics scriptwriter and illustrator, game designer and illustrator are often differentiated with small icons. Why not, but the devil is in the details.

The illustrator icon is usually a paintbrush or pencil, which fits perfectly even when more and more artist work only on their computer. The designer icon is usually gears, which is problematic because it implies that the designer’s job is only to design the game mechanisms. Mechanisms are the core part of many games, but not of all. Game design is a dialectical mix between mechanics, settings, references and winks. It’s not literary writing, but it’s also not technical work. My experience of it feels very much like that of a movie or comics scriptwriter.

Paper Tales has a pen icon before the designer’s name, but it’s equally problematic, because while gears negate the literary aspect of game design, the pen negates its technical aspect, and cannot therefore fit with abstract or dexterity games, or even with many « german style » boardgames. The best icon is probably the one used by Iello, Bombyx and a few other publishers, a light bulb – it just suggests ideas, which can be both technical or literary. My friend and fellow game designer Gwenael Bouquin has another idea, a beer mug for the designer and a cup of coffee for the illustrator.

One thought on “Pinceaux, ampoules et engrenages
Brushes, Bulbs and Gears

  1. I feel the light bulb icon is also problematic because it reduces the role of the game designer to “coming up with the initial idea,” when there is so much constructing and refining that goes on after that. Every gamer (and many who don’t play games) I talk to has an “idea for a game.” Why do we need an icon? It’s like using a “drawing” icon for an architect, which under-represents the much larger role an architect plays in building.

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