Petits groupes
Smaller groups

Comme je ne suis pas très jeu en ligne, je n’ai pas beaucoup joué pendant les six semaines de confinement strict. Je n’ai préparé qu’un seul nouveau prototype, et ceux déjà existants n’ont guère avancé. Ce n’est pas le plus important, mais j’ai été un peu désabusé en voyant cette crise arriver juste au moment où les éditeurs semblaient de nouveau s’intéresser aux jeux pour 4 à 8 joueurs, qui sont plus ma spécialité que ceux pour 2 à 4.

Gold River, conçu avec Bruno Cathala et sorti en tout début d’année, semble avoir trouvé son public. Le premier tirage est quasiment épuisé, un deuxième est en route, pourvu que ça dure.
Poisons, conçu avec avec Chris Darskalis, est sorti juste au moment confinement. Le timing n’était sans doute pas le bon pour un jeu qui ne prend toute sa dimension que quand les joueurs sont assez nombreux. Maintenant que les choses s’allègent un peu, j’espère qu’il va prendre un nouveau départ. C’est un petit jeu de bluff et de psychologie bien rigolo.
La sortie de mon autre petit jeu de cartes, Vintage, a été un peu retardée. Il est arrivé cette semaine, et j’espère qu’il va démarrer plus vite. Ce jeu de cartes simple et mignon mais néanmoins méchant fonctionne en effet très bien dès 3 ou 4 joueurs.
Grosse déception, mon « jeu des coffres » auquel je croyais beaucoup et pour lequel j’avais signé avec des gens que j’aime beaucoup a été victime des coupes dans les programmes des gros éditeurs. Du coup, je me suis un peu repenché dessus et lui cherche un nouveau point de chute.

Lorsque le confinement a commencé à être allégé, j’ai repris les soirées jeux mais en respectant soigneusement les consignes, donc en petit comité, ce qui m’a donné l’occasion de jouer à quelques jeux pour trois, quatre ou cinq joueurs que j’avais envie d’essayer depuis longtemps. Je les ai tous trouvés excellents, sans que je sache bien si cela signifie que la qualité des jeux publiés est meilleure qu’elle n’a jamais été, que ma connaissance du monde ludique me permet de choisir à coup sûr les trucs que je vais apprécier, ou que je suis devenu trop bon public.

Root, de Cole Wehrle, est infiniment plus convaincant que son ancêtre Vaast, dont j’avais à peine compris les règles. Les joueurs s’affrontent sur la même carte, mais chacun y joue à un jeu différent, un peu comme dans certains jeux des années soixante-dix et quatre-vingt, comme Dune. Il y aurait aussi toute une réflexion à avoir sur l’utilisation des animaux anthropomorphes dans les jeux, et j’écrirai sans doute un jour un article là dessus. La manière dont c’est fait dans Root m’a semblé extrêmement pertinente et efficace. Chats, oiseaux et blaireaux y fonctionnent un peu comme les elfes, nains et orques des univers fantastiques, mais de manière moins ambiguë ou, au moins, plus légère. Après, oui, c’est de l’essentialisme, mais on peut, comme moi, être on ne peut plus existentialiste dans la vraie vie et trouver que l’essentialisme, c’est vraiment pratique pour faire des jeux. Les jeux, ce n’est pas la vie – c’est même la définition du jeu. Et puis, puisqu’il paraît que Root était au départ inspiré de la situation au proche Orient, même s’il s’en est éloigné au fur et à mesure du développement, on a essayé de deviner qui était qui, ce qui a permis de se moquer gentiment des vedettes libanaises du petit monde ludique français.

Subtile transition pour parler d’un autre très gros jeu que j’ai particulièrement apprécié, Monumental, de Matthew Dunstan. Là encore, c’est à la fois un jeu des années quatre-vingt, une longue baston sur une carte avec des tours de jeu qui peuvent durer une quinzaine de minutes, et un jeu moderne, un deckbuilding avec quelques twists très malins, dont le fait que les cartes achetées ne vont pas dans votre défausse mais au sommet de votre pioche. Le jeu est finalement moins complexe qu’il n’en a l’air, les systèmes sont assez intuitifs, mais ça peut prendre un peu la tête quand même. Nous avons joué avec la boite d’un ami qui a acheté l’édition de luxe avec énormes figurines, et je suis content de n’avoir pris que la boite de base, car, comme dans beaucoup d’autres jeux récents, les jolies statuettes en plastique surdimensionnées rendent finalement le plateau de jeu assez peu lisible. J’espère que cette mode va bientôt s’arrêter.

In the Hall of the Mountain King de Jay Cormier et Graeme Jahns est un peu moins long, mais ça reste du gros jeu. Le thème est rigolo, les trolls sont partis en vacances et ont loué leur caverne sur Airbnb à des gnomes. Bien sûr, les gnomes ont abusé des champignons locaux, fait une fête pas possible et tout laissé en désordre. Les trolls, de retour chez eux, doivent tout nettoyer, tout ranger et remettre les statues des dieux trolls dans les temples sacrés, sur leurs piédestaux (oui, on dit bien des piédestaux, j’ai vérifié). Il vaut mieux éviter de fâcher les dieux, surtout les dieux trolls, on ne sait jamais. Et l’été prochain, on louera à des nains, c’est plus tranquille. Sinon, c’est un jeu de pose calculatoire et dynamiqu, avec un petit côté puzzle assez rigolo.

Dernier relativement gros jeu, Nidavellir, de Serge Laget, dans lequel on recrute des armées de nains pour on ne sait pas trop quoi, sans doute une grosse baston finale qui n’est pas représentée dans le jeu. Le système d’enchère, bien tordu, permet pas mal de subtilités. Je n’ai aucune difficulté à écrire des règles en anglais en utilisant l’écriture inclusive, je trouve même ça plutôt sympathique, mais en français, j’ai presque du mal à les lire tellement c’est tarabiscoté, et ne me risquerai pas à écrire. Cela montre bien que le problème n’est pas le principe de l’écriture inclusive mais la manière dont elle est conçue. Si cela a pris aux États-Unis et pas chez nous, ce n’est pas parce que nous sommes plus sexistes, c’est parce qu’ils ont opté pour des règles plus simples, plus naturelles, et qui fonctionnent aussi bien à l’oral qu’à l’écrit. Après, sur le principe, je ne suis ni pour ni contre, je m’en fous un peu car je doute fort que la grammaire ait le moindre effet sur la réalité sociale. Pour revenir au jeu, il est vraiment très bien foutu, on sent qu’il y a beaucoup de tests derrière…. d’ailleurs, j’avais joué à un premier prototype il y a une bonne vingtaine d’années.

En plus léger, on joué à Belratti, un jeu coopératif dans lequel les joueurs sont des peintres et des commissaires d’exposition qui, ensemble, essaient de déjouer les ruses d’un faussaire qui essaie de glisser ses œuvres dans les musées. C’est une variation de plus sur le principe de Dixit, Mysterium et autres Detective Club, mais c’est très rigolo.

Le même soir, on a joué à Most Wanted, de Dominic Crapuchettes, Ken Gruhl et Quentin Weir, dont je suis assez surpris de voir qu’il a sur le Boardgamegeek des notes assez médiocres. C’est sans doute le meilleur des nombreux petits jeux malins sur le thème des cow-boys qui jouent au poker. Un peu de tactique, un peu de bluff, pas mal de chances, c’est un jeu très rigolo auquel on a instantanément envie de rejouer, ce que nous avons d’ailleurs fait alors que pas mal de nouveautés nous attendaient.

Un autre petit jeu très rigolo, que je connaissais pour y avoir joué l’an dernier au prototype avec Heiko Eller, est Decipher, conçu par les auteurs de Cosmic Encounter. J’aime bien les jeux de lettres, et suis donc content de  voir qu’ils reviennent un peu à la mode. Ceci dit, même si en général vous ne les aimez pas rop, vous devreiz essayer Decipher et Wordsmith, le système de fabrication des lettres les rend vraiment différents.

J’ai même joué à un jeu à deux, ce qui m’arrive de plus en plus rarement. Dual Powers, de Brett Myers, a un titre un peu idiot quine révèle absolument rien du véritable thème du jeu, la révolution de 1917 à Saint Petersbourg. The game should have been called Petrograd 1917, or something like this. C’est un jeu de contrôle de territoire et de majorité malin comme tout, très tendu, plus tactique que stratégique. Je sais que beaucoup d’autres jeux à deux de ce type sont sortis ces dernières années, auxquels je n’ai pas eu l’occasion de jouer. Je ne suis donc pas sûr que ce soit le meilleur, mais j’ai vraiment beaucoup aimé, et vous devriez apprécier aussi si vous avez aimé Raptor.

Sinon, juste avant que l’on ne soit obligés de rester chez nous, puis de se retrouver en petits groupes, on avait eu l’occasion d’essayer un dernier vrai jeu d’ambiance rigolo pour plein de joueurs, Wavelength, de Alex Hague, Justin, Wickers et Wolfgang Warsch. C’est le genre d’idée que j’aurais aimé avoir eu, et ça marche très, très bien. Il est fort ce Wolfgang Warsch, quand même !

Bon, on peut de nouveau faire des soirées jeux, en restant prudents, et j’ai quasiment fini le bouquin que j’ai écrit pendant le confinement, donc je vais me repencher sur mes prototypes.


Since I’m not really excited by online playing, I didn’t play many games during our six weeks of relatively strict confinement. As a result, I made only one new prototype and didn’t progress much on my older ones. Even when it feels a bit trivial, I was really disappointed to see this crisis come up just when publishers had started to become more interested in game for many players, say 4 to 8, which are much more my specialty than those for 2 to 4.

Gold River, designed with Bruno Cathala, had been in French shops for a few weeks when it all started, and seems to have been well received. The first print run is nearly sold out, and a second one is in the pipe. Let’s hope it will become a classic.
Poisons, designed with Chris Darskalis, arrived in shops just when the confinement started. It was probably a bad timing for a game which is far more fun with more players. Let’s hope it will really start selling now that we can again meet in groups of five or more. It’s a really fun double guessing game.
My other light card game, Vintage, was delayed a bit and just hit the shelves. This cute and simple card game, with lots of player interaction, works well even with only 3 or 4 players.
The big disappointment was when my « Chest game », in which I really believed and for which I had signed with a publisher I really like, was canceled due to a big cut in some big publishers’ programs. I’m now looking for a new publisher for this one.

When game nights started again, it was first in small groups, which gave me the rare opportunity to play three, four or five player games I wanted to try for a while. I thought all of them were great, but I don’t really know if it’s because the average quality of games has increased, because I’ve become better at selecting games I will like, or because I’m becoming old and less discriminating.

Cole Wehrle’s Root is far more convincing than its predecessor Vaast, whose rules I hardly understood. Players fight against one another on a big map, but every player is playing their own game, a bit like in older games from the seventies and eighties like Dune. There is a whole reflection to be had on the use of anthropomorphic animals in games, and may be I will write something about it some day. The way it’s made in Root is extremely efficient and clever. Cats, birds and badgers have the same function as elves, orcs and trolls in fantasy worlds, but in a lighter and less ambiguous way. Of course, it’s essentialism, but there’s no problem with being totally existentialist in real life and making a clever use of heavy handed essentialism in games. Games are not life, it’s even the very definition of games. And since we heard that the very first versions of what will become Root were based on the Near East mess, we tried to guess who was whom, and made a few jokes about the Lebanese stars of the French boardgaming scene.

This was, of course, a not-so subtle transition to introduce another really have game I really enjoyed, Matthew Dunstan’s Monumental. Like Root, it feels both like an old classic from the eighties, a long war on a map and player turns which can last for fifteen minutes, and extremely modern, a deck building game with a few clever twists. I especially liked the fact that the cards one buys don’t go in one’s discard but on the top of one’s drawing deck. The game feels less complex than it looks, the main systems are very intuitive, but it can still become a bit of a brain burner. We played with a friend’s copy, which had all the big plastic miniatures, and I’m quite glad I bought only the basic edition, because I’m sure the board will be much easier to read with standard tokens than with these oversized pieces. I hope this big miniatures fad will soon end.

Jay Cormier and Graeme Jahn’s In the Hall of the Mountain King lasts a bit shorter, but is still a relatively heavy game. Players are trolls who went away for holidays on the Riviera and rented their caverns to gnomes via Airbnb. Of course, gnomes tried the local shrooms, held a big party and left a terrible mess. Now trolls are back home and must put everything in order, being careful to put every god statue back in its own temple – better not make gods angry, especially troll gods. And next year, you will deal with dwarves, it’s safer. In the Hall of the Mountain King is a dynamic and original tile laying game, with a nice puzzle element.

The last relatively heavy game we played was Serge Laget’s Nidavellir. Players are recruiting armies of dwarves, probably for a big final fight which is not featured in the game. I write my game rules in English, using the neutral they and I have absolutely no problem with it, I even find it nice and fun. I have troubles even reading rules written using the convoluted French inclusive writing, and will never even try to write with it. So the problem is not inclusive writing per se, it’s the way the new rules are devised. If it’s used by everyone in the US and is still an exception in France, it’s not because we are more sexist than Americans – it’s probably more or less the same – it’s because the neutral they feels simple and natural, and works in the same way when written and spoken, while the French have invented a complex system which can only be used with writing. Anyway, I don’t really care since I seriously doubt grammar has any effect on the real social world. Back to the game – it runs very smoothly, and one feels that there has been many tests and fine tunings. Actually, I remember playing a first prototype more or less twenty years ago.

We also played lighter stuff. Belratti is a cooperative game in which players are painters and museum managers planning exhibitions and trying to outwit the faker Belratti who is trying to get his fake paintings into museums. It’s one more variation on the Dixit, Mysterium, Detective Club idea, but it’s really light and fun.

The same night, we played Most Wanted, by Dominic Crapuchettes, Ken Gruhl et Quentin Weir. I’m really surprised to see this one has average rankings on the Boardgamegeek. It’s probably the best of the many light board and card games about cowboys playing poker. There’s some tactics, some bluffing, a good deal of luck. It’s so much fun that we played several games in a row, even when other new stuff was waiting.

The last light new game we played was Decipher, designed by the Cosmic Encounter team. I happen to like word and letter games, so I hope they’re starting a comeback. Anyway, even when you usually don’t like them, you should try Decipher and Wordsmith, they feel completely different.

I’ve even played a two player boardgame, something I rarely do. Brett Myers’ Dual Powers has a strange name which doesn’t give any idea of its setting, the Russian revolution in St Petersburg. It should have been called Petrograd 1917, or something like this. It’s a very tense majority and area control game, more tactical than strategic. Many other tactical two player games have been published these last years, and I’ve played very few of them. I’m not sure Dual Powers is the best one, but I really enjoyed it, and you should enjoy it as well if you like Raptor.

Oh, just before the confinement started and we had to stay home, and then to meet in small groups, I had a last big gaming night and we played Alex Hague, Justin Wickers and Wolfgang Warsch’s Wavelength. That’s the kind of game idea I would like to have, but I might be getting too old. I’m more and more impressed by Wolfgang Warsch’s multifaceted talent.

And now, I’ve more or less finished the book I’ve written during the confinement, we can have larger gaming sessions if we stay careful, so let’s go back to game design and prototyping.

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