C’est un billet d’humeur que j’avais posté sur Facebook, il y a quelques jours, la veille des oraux du bac. Je ne m’attendais absolument pas à ce qu’il fasse à ce point parler de lui, repris des centaines de fois, cité dans des journaux et à la radio. C’est sans doute le signe qu’il visait juste. Du coup, quelques amis qui ne sont pas sur facebook (si, si, il y en a) me demandent le texte complet de mon petit coup de gueule. Le voici :
Je viens de corriger le bac, et je suis énervé. Je suis énervé par le discours obligé, que l’on lit dans tous les journaux, sur tous les sites web : le bac est donné, soldé, le niveau baisse, les jeunes sont incultes et ne foutent rien, etc….
Certes, les quatre cinquièmes d’une génération arrivent aujourd’hui au bac contre moins de la moitié quand j’ai passé le mien, dans les années soixante-dix. Ce qui a changé, ce n’est pas le niveau du bac qui a baissé (ou pas beaucoup, et seulement dans les disciplines littéraires, et pour de bonnes raisons qui mériteraient un post entier). Ce qui a changé, c’est le niveau des élèves qui a augmenté, et là encore pour de bonnes raisons.
Ils sont plus cultivés car ils ne sont pas coincés comme nous l’étions devant une télé à deux ou trois chaines, ils n’ont pas le choix en librairie qu’entre Pif gadget et Picsou Magazine, ils ne perdent pas chaque jour deux heures dans des bus bringuebalants ou sur de vieux vélos rouillés pour aller au lycée, ils peuvent compléter leurs cours en trainant sur internet, où ils apprennent au passage un peu d’anglais.
Ils bossent plus car ils ont la trouille, car ils savent qu’il ne leur sera pas facile de trouver un boulot, car on ne peut plus acheter d’éther dans les pharmacies, car il n’y a plus de trichlo ni dans les drogueries ni dans l’eau écarlate, et car on ne laisse même plus les mineurs se saouler le samedi soir.
Si je mets de meilleures notes aujourd’hui que lorsque j’ai corrigé le bac pour la première fois, il y a une trentaine d’années, ce n’est pas parce que je suis blasé, ou parce qu’une inspection démagogique m’y force, c’est parce que les copies sont meilleures. Les élèves que j’ai devant moi aujourd’hui ont des connaissances largement équivalentes, une ouverture sur le monde et des capacités d’analyse bien supérieures, à celles de ceux que j’ai côtoyés comme élève dans les années soixante-dix – même si j’admets qu’ils ont plus de mal avec la grammaire. Et ce n’est pas vrai seulement du bon lycée bourgeois du XVIème arrondissement où j’enseigne aujourd’hui, c’était déjà vrai du petit lycée de Tarascon où j’étais encore il y a deux ans.
Tout cela, j’ai l’impression que les quadragénaires et quinquagénaires ne s’en rendent pas compte. C’était leur enfance, donc tout était mieux avant. Certains ont simplement oublié leurs faiblesses, d’autres en rajoutent dans un discours hypocrite – mais pas vraiment nouveau – qui sert avant tout à discréditer politiquement la jeunesse.
Voila, c’était mon coup de gueule avant d’aller faire passer les oraux.
(Sorry, no English translation this time, but believe me, it’s a very French discussion)
Interesting piece of writing. As a Belgian teacher I can say it’s not only a French discussion (even though we do not have a “bac”).
Chaque époque a ses avantages et ses inconvénients.
Faire des km en vélo permet de réfléchir à plein de choses tandis qu’on appuie sur les pédales 🙂
Il y avait moins de jeux, mais ça ne nous empêchait d’y jouer à fond, y compris les jeux de rôle, tous ensemble le samedi soir jusqu’à des heures indues 😉
Merci pour les divers billets de votre blog, félicitations.