đź“– La licorne et le rhinoceros

Pour les lettrĂ©s et les artistes du Moyen Ă‚ge, le rhinocĂ©ros et le licorne sont le plus souvent un mĂŞme animal, dont on ne sait pas toujours très bien s’il porte la corne sur le front ou sur le nez. Ă€ dĂ©faut de donner durablement du charme au pachyderme, la confusion a certainement donnĂ© de la force, et une certaine carrure, Ă  la blanche licorne. Voici quelques images mĂ©diĂ©vales de licornes se prenant pour un rhinocĂ©ros, Ă  moins que ce ne sopit l’ineverse, que je n’ai pas pu mettre dans mon livre.

Pour Isidore de Séville, comme on le voit sur ce manuscrit du IXe siècle, Rynoceron id est monoceron id est unicornus – les trois noms désignent le même animal.
Bibliothèque municipale de Laon, ms 447, fol 115r


Voici le texte complet, en latin, de la chanson nostalgique et désabusée sur le vieillard, la jeune vierge et le rhinocéros, dont je cite un extrait dans mon livre :

Cum Fortuna voluit                   me vivere beatum,
forma, bonis moribus               fecit bene gratum
et in altis sedibus                      sedere laureatum.

Modo flos preteriit                   meæ iuventutis,
in se trahit omnia                     tempus senectutis;
inde sum in gratia                    novissimæ salutis.

Rhinoceros virginibus               se solet exhibere;
sed cuius est virginitas             intemerata vere,
suo potest gremio                    hunc sola retinere.

Igitur que iuveni                       virgo sociatur
et me senem spreverit,            iure defraudatur,
ut ab hac rhinoceros                se capi patiatur. –

In tritura virginum                    debetur seniori
pro mercede palea,                 frumentum iuniori;
inde senex aream                  relinquo successori.

— Carmina Burana, chant 93, Cum Fortuna voluit.

Rinoceros & quomodo capiatur (Le rhinocéros et comment le capturer). Miniature d’un bestiaire anglais en latin, circa 1300.
Oxford, Bodleian Library, ms Laud Misc 247, fol 149v
Speculum Humanae Salvationis, Allemagne, circa 1460. LĂ  encore, la source est Isidore.
Bayerische Staatsbibliothek, Cgm 3974, fol 101r.
Avec une corne spiralée sur le haut de la tête et une petite corne recourbée sur le nez, ce karkadan est un curieux hybride de licorne et de rhinocéros.
Zakaria al Qazwini, Livre des Merveilles du monde, manuscrit persan du XVIIIe siècle. Princeton University, ms Garrett n 82 G.

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