Exposition “Animaux Fantastiques” au Louvre-Lens

J’étais hier soir au Louvre-Lens pour le vernissage de la très belle exposition “Animaux fantastiques”, à laquelle j’ai un tout petit peu contribué. On peut y croiser une bonne vingtaine de licornes. La blanche bête y est en effet, après le dragon et plus ou moins à égalité avec le griffon, l’animal le plus représenté. L’exposition est riche, claire, bien structurée, et j’en recommande vivement la visite à tous ceux qui s’intéressent aux licornes ou à d’autres bestioles de la ménagerie fantastique.
Vous trouverez bien sûr tous les détails sur le site du musée.

Mes quatre conférences

Ma série de quatre conférences sur les licornes est maintenant terminée. Je me suis bien amusé, et j’espère que j’aurai d’autres occasions de les présenter.

Pour ceux qui n’ont pas pu y aller, et pourquoi pas pour ceux qui y étaient, voici les quatre powerpoint que j’ai utilisés :

À quoi ressemble une licorne ?
Où peut-on voir des licornes ?
La licorne et les animaux
La vie sexuelle des licornes

📖 La licorne et les serpents

La pure et blanche licorne est bien sûr l’ennemie des serpents, qui s’enfuient lorsqu’elle touche de sa corne les eaux empoisonnées. Elle s’entend donc aussi assez mal avec le dragon qui, pour les rédacteurs des bestiaires, est un serpent, le plus grand de tous.

Ce chapitre était un peu trop long pour mon livre. Si j’ai conservé le passage consacré au cerf, fidèle allié de la licorne dans sa lutte contre les serpents, j’ai dû retirer une plus longue digression faisant la liste des autres adversaires du dragon.

Le premier ennemi du dragon, dans le bestiaire médiéval, n’était en effet pas la licorne mais l’éléphant, le cerf ne s’attaquant le plus souvent qu’aux petits serpents qu’il était en mesure d’avaler. Déjà perdant dans ses combats contre la licorne et les souris, l’éléphant est régulièrement vaincu par le dragon. « Le dragon est le plus grand de tous les animaux terrestres […] Souvent arraché aux grottes, il est emporté dans les airs, et l’air en est troublé. Il a une crête, une petite gueule et d’étroits conduits par lesquels il respire et sort sa langue. Sa force réside, non dans ses dents, mais dans sa queue, et c’est moins sa gueule que ses coups qui sont nuisibles. Il n’est pas venimeux et n’a pas besoin, dit-on, de venin pour causer la mort, car il tue par son étreinte. Le corps énorme de l’éléphant ne l’en protège pas. En effet, caché au bord des pistes habituellement suivies par les éléphants, il lie leurs pattes de ses nœuds et les tue en les étouffant. Il naît en Éthiopie et dans l’Inde, en pleine fournaise d’une chaleur ininterrompue[1]». En Inde et en Éthiopie, bien sûr, comme les licornes, même si la présence de dragons dans les Alpes suisses est régulièrement rappelée par les auteurs locaux. La lecture allégorique est assez jolie, l’éléphant est l’homme naïf et sentimental qui se fait, au sens propre comme au figuré, embobiner par le maléfique dragon.

Le dragon était en revanche impuissant face à la panthère. Ce gros chat qui fait des sommes de trois jours, le temps qui s’écoula entre la mort du Christ et sa résurrection, est l’ami de tous les animaux. Son haleine parfumée les attire comme la parole du Christ rassemble les fidèles. Seul le diabolique dragon au souffle enflammé et puant, ne supportant ni la voix, ni le parfum de la douce panthère aux multiples couleurs, s’enfuit à son approche et se réfugie dans une grotte. Faisant fuir le grand serpent, la panthère joue ici un peu le même rôle que la licorne qui trempe sa corne dans les eaux empoisonnées.

Le léopard, cousin de la panthère est issu du croisement – c’est évident – entre un lion et un pard. Dans une fable d’Esope, ou du moins passant pour telle à la fin du Moyen Âge, le léopard va chercher l’aide de la licorne pour attaquer le dragon – et cette fois, le reptile est vainqueur. Sur l’une des tapisseries du palais des Borromée, à Isola Bella sur le lac Majeur, il ne faut pas moins de deux lions, un léopard et un dragon pour venir à bout de la licorne.

Au fait, le dragon est un serpent, mais un serpent à pattes. En a-t-il deux ou quatre ? En héraldique, il est bipède quand il rampe, quadrupède quand il passe. Les rédacteurs des bestiaires ne se sont pas posé la question, et les enlumineurs faisaient donc un peu ce qu’ils voulaient, quelques-uns montant même parfois jusqu’à six pattes.


[1] Isidore de Séville, Etymologies, livre XII.