➕ La licorne du bestiaire

La licorne du bestiaire médiéval appréciait les jeunes vierges et, ce que l’on sait moins, n’aimait pas les éléphants.

n bestiaire ou Livre des bestes est un recueil, en prose ou en vers, compilant des descriptions d’animaux réels ou légendaires. Le terme apparaît au XIIe siècle, sous la plume de Philippe de Thaon, auteur du premier de ces textes écrit en vers français. Chaque description, chaque fiche pourrait-on dire, insiste sur la nature de la créature, une caractéristique physique ou un comportement original, et sur sa sénéfiance, l’allégorie chrétienne que l’on peut en tirer. L’autruche, par exemple, oublie ses œufs enfouis dans le sable tout comme l’homme doit oublier les biens de ce monde pour s’attacher aux choses célestes.

Les bestiaires médiévaux ont pour source première le Physiologus hellénistique, auquel s’ajoutent les Étymologies d’Isidore de Séville, puis des textes latins, au premier rang desquels l’Histoire Naturelle de Pline l’Ancien, et enfin à la fin du Moyen Âge divers récits d’aventures et de voyages merveilleux, comme le roman d’Alexandre ou les récits de Jean de Mandeville. Les entrées se multiplient alors, passant d’une quarantaine pour les premiers recueils à près de deux-cent pour certaines compilations tardo-médiévales. Les lectures morales et chrétiennes passent au second plan, voire disparaissent ou même, dans le Bestiaire d’amour, laissent la place à une allégorie courtoise. Les fiches du bestiaire se glissent aussi dans des textes plus ambitieux, plus encyclopédiques que didactiques, comme les Propriétaires, ou Livres des propriétés des choses, et sont, avant qu’elle ne s’en affranchisse peu à peu, l’une des bases de la zoologie de la Renaissance.

Sous le nom d’unicornis en latin, d’unicorne en français, parfois aussi de rinoceros ou rinoceron, la licorne est présente dans la quasi-totalité des bestiaires médiévaux. Elle y côtoie parfois un autre quadrupède unicorne plus trapu, le monoceros, décrit avec moins de détails et sur lequel nous reviendrons.
La nature de l’unicorne est d’être irrésistiblement attirée par les jeunes vierges, ce qui permet aux chasseurs de la capturer voire, à la fin du Moyen Âge, de la tuer. La sénéfiance de ce récit évolue, et si le texte des bestiaires y voit longtemps une allégorie de l’Incarnation, les enlumineurs préfèrent souvent une autre lecture, celle de la Passion du Christ, qui permet les images plus dramatiques que vous voyez ici.

Ibis, Dragon et péridexion, Lion qui efface ses traces avec sa queue, panthère qui effraie le dragon, lion qui souffle sur ses petits, licorne.
Admirez la manière dont ce manuscrit sur vélin a été recousu !
De Bestiis et aliis rebus, XIIe siècle.
Harvard Library, ms Typ 101, fol. 9r

Tous les bestiaires content l’apologue de la chasse à la licorne, emprunté au Physiologus. Beaucoup y ajoutent la description du combat de l’unicorne et de l’éléphant, empruntée à Isidore de Séville, qui se passe d’interprétation allégorique et n’est donc pas illustré. Les autres récits légendaires sur la licorne, qui content la manière dont elle purifie les eaux empoisonnées de la pointe de sa corne, ou dont elle se ridiculise dans son combat contre le lion, n’apparaissent que rarement et dans des textes isolés ou plus récents.

Lorsque le bestiaire est illustré, l’unicorne peut être représenté seul. Plus souvent, c’est la scène de la chasse qui est représentée, soit dans une version soft, lorsque la licorne s’endort, la tête reposant sur les genoux de la jeune vierge, soit dans un scénario plus sanguinaire, quand les chasseurs la tuent d’un coup de lance ou, plus rarement, à l’aide d’une flèche ou d’une épée.

Voici, parmi bien d’autres, quelques fiches sur l’unicorne dans des bestiaires médiévaux.

Commençons par le plus ancien des bestiaires en langue vulgaire, celui de Philippe de Thaon, au début du XIIe siècle.

Monoceros est Beste, un corne ad en la teste,
Purceo ad si a nun, de buc ad façun;
Par Pucele est prise; or vez en quell guize.
Quant hom le volt cacer et prendre et enginner,
Si vent hom al forest où sis riparis est;
Là met une Pucele hors de sein sa mamele,
Et par odurement Monosceros la sent;
Dune vent à la Pucele, et si baiset la mamele,
En sein devant se dort, issi veut à sa mort;
Li hom suivent atant ki l’ocit en dormant
U trestont vif le prent, si fais puis sun talent.
Grant chose segnifie, ne larei ne l’ vus die.
Monosceros Griu est, en Franceis un corn est
Beste de tel baillie Jhesu Crist signefie;
Un Deu est e serat e fud e parmaindrat;
En la virgine se mist, e pur hom charn i prist,
E pur virginited pur mustrer casteed;
A virgine se parut e virgine le conceut,
Virgine est e serat e tuz jurz parmaindrat.
Or oez brefment le signefiement.
Ceste beste en verté nus signefie Dé;
La virgine signefie sacez Sancte Marie;
Par sa mamele entent sancte eglise ensement;
E puis par le baiser ceo deit signefier,
E hom quant il se dort en semblance est de mort
Dés cum hom dormi, ki en la cruiz mort sufri,
E sa destructiun nostre redemptiun,
E sun traveillement nostre reposement,
Si deceut Dés Diable par semblant cuvenable;
Anme e cors sunt un, issi fud Dés & hom,
E ceo signefie beste de tel baillie.

— Philippe de Thaon, Bestiaire, circa 1120

On retrouve les mêmes considérations allégoriques un peu capillotractées dans un bestiaire de la fin du XIIe siècle, celui de Gervaise.

Une beste est, ço n’est pas fable,
Qui auques est a boc sanblable
Cele beste aime pastre en mont.
Une corne a en mi le front.
Por ce que ele n’a que .j. corne
Est apelée unicorne.
Tant se set la beste desfandre
Que venerres ne la puet prandre.
Fors est et de grant ardement.
Il la prenent per argument:
L’on quiert une juine pucele,
Bien atornée, jovene et bele;
El desert la fait l’on aler
Lai ou la beste sot ester.
Soule remaint, chascuns s’e part;
Et la beste vient cele part.
Quant la pucele voit si coie
Sachiez que mult li fait grant joie:
A la pucele vient devant,
Si se couche en son devant.
La pucele l’enbrace et tient.
Li venerres cele part vient;
Quant la beste voit endormie,
Tant tost la prent et si la lie
Et puis l’a au roi presentée;
En son palais li est portée.
Li psalmistes ou sautie dist,
Quant il parla de Jhesu Christ:
“Mes cors sera autories,
Cum unicorne exauciez.”
Extendre poez per la beste
Que .j. soul cor a en la teste
Crist qui dist au pueble commun:
“Je et mes peres sume un.”
Dés est chiés et Jhesu est cors
Que d’enfer bota ses genz fors.
Ains rien ne li puet contrester
Ne riens ne le puet arester.
La pucele nos senefie
L’especiaul Virge Marie
En cui Dex prist humanité;
En sa char fu pechié dampné.

— Bestiaire de Gervaise, circa 1200

Le bestiaire de Pierre de Beauvais, dont la première version ne comprend que trente-huit entrées, est pour l’essentiel une traduction du Physiologus.

Il existe une bête qui est appelée en grec monocheros, c’est-à­dire en latin unicorne. Physiologue dit que la nature de la licorne est telle qu’elle est de petite taille et qu’elle ressemble à un chevreau. Elle possède une corne au milieu de la tête, et elle est si féroce qu’aucun homme ne peut s’emparer d’elle, si ce n’est de la manière que je vais vous dire : les chasseurs conduisent une jeune fille vierge à l’endroit où demeure la licorne, et ils la laissent assise sur un siège, seule dans le bois. Aussitôt que la licorne voit la jeune fille, elle vient s’endormir sur ses genoux. C’est de cette manière que les chasseurs peuvent s’emparer d’elle et la conduire dans les palais des rois.

De la même manière Notre-Seigneur Jésus-Christ, licorne céleste, descendit dans le sein de la Vierge, et à cause de cette chair qu’il avait revêtue pour nous, il fut pris par les Juifs et conduit devant Pilate, présenté à Hérode et puis crucifié sur la Sainte Croix, lui qui, auparavant, se trouvait auprès de son Père, invisible à nos yeux; voilà pourquoi il dit lui-même dans les psaumes : « Ma corne sera élevée comme celle de l’unicorne. » On a dit ici que la licorne possède une seule corne au milieu du front; c’est là le symbole de ce que le Sauveur a dit: « Mon Père et moi, nous sommes un; Dieu est le chef du Christ. » le fait que la bête est cruelle signifie que ni les Puissances, ni les Dominations, ni !’Enfer ne peuvent comprendre la puissance de Dieu. Si l’on a dit ici que la licorne est petite, il faut comprendre que Jésus-Christ s’humilia pour nous par l’Incarnation; à ce propos, il a dit lui-même : « Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur » ; et David dit que celui qui accomplira les bonnes œuvres, il sera conduit au palais royal, c’est-à-dire au Paradis.

Bestiaire de Pierre de Beauvais, XIIIe siècle,  in G. Banciotto, Bestiaires du Moyen Âge, 1980.

Le Bestiaire divin en vers de Guillaume Le Clerc, rédigé par un clerc normand vivant en Angleterre, développe bien plus longuement les significations morale et religieuse des apologues.

Or vos diron de l’unicorne:
Beste est qui n’a fors une corne,
Enz el meleu de front posee.
Iceste beste est si osee,
Si conbatant et si hardie,
A l’olifant porte envaie,
La plus egre beste del mont,
De totes celes qui i sont.
Tant a le pie dur et trenchant,
Bien se conbat o l’olifant,
Et l’ongle del pie si agu,
Que riens n’en peut estre feru,
Qu’ele nel perce ou qu’ele nel fende.
N’a pas poor que se deffende
L’olifant, quant ele requiert;
Quer desoz le ventre le fiert,
Del pie trenchant cum alemele,
Si forment, que tot l’esboele.

Ceste beste est de tel vigor
Qu’ele ne crient nul veneor.
Cil qui la veulent essaier
Prendre par engin, et lier,
Quant ele est en deduit alee,
Ou en monteigne, ou en valee,
Quant il ont trove son convers
Et tres bien assigne son mers,
Si vont por une dameiselle,
Qu’il sevent qui seit pucelle;
Puis la font seier et atendre
Au recet, por la beste prendre.
Quant l’unicorne est venue,
Et a la pucelle veue,
Dreit a le vient demaintenant,
Si se chouche en son devant;
Adonc sallent cil qui l’espient;
Ileques la prennent et lient,
Puis la meinent devant le rei,
Trestot a force ou a desrei.

Iceste mervellose beste,
Qui une corne a en la teste,
Senefie nostre Seignor
Jhesu-Crist, nostre Sauveor.
C’est l’unicorne esperitel,
Qui en la Virge prist ostel,
Qui est tant de grant dignite;
En ceste prist humanite,
Par quei au munde s’aparut;
Son pueple mie nel quenut.
Des Jeves einceis l’espierent,
Tant qu’il le pristrent et lierent;
Devant Pilatre le menerent,
Et ilec a mort le dampnerent.

Icele beste veirement
N’a qu’une corne seulement,
Senefie sollenpnite,
Si cum Dex dist por verite,
En l’Evangile aperte et clere:
“Nos sommes un deu et un pere.”
Et le boen prestre Zacarie,
Einz que Dex nasquist de Marie,
Dist que en la meson Davi,
Son boen effant, son boen norri,
Drecereit damledeu son cors.
Et Dex dist meismes uncors,
Par Davi, qui si crie et corne:
“Si cum li corn de l’unicorne,
Sera le mien cors essaucie”.
Si cum Dex l’out covenancie,
Fu cele parole aemplie,
Si comme dist la prophecie,
Quant Jhesu-Crist fut corone
Et en la neire croiz pene.

La grant egrece senefie,
Donc ceste beste est aemplie,
Ce qu’onques ne porent saveir
Les portes de ciel, por veir,
Trone, ne dominacion,
L’ore de l’incarnacion:
Onques n’en sout veie ne sente
Le deable, qui grant entente
Mist a saveir, moult soutilla,
Onc ne sout comment ce ala.

Moult fist Dex grant humilite
Quant por nos prist humanite;
Issi com il meismes dit,
Et en l’Evangile est escrit:
“De mei, ce dist Dex, apernez,
Que entre vos ici veez,
Comme je sui simplex et douz,
Humble de cuer, non pas estouz.”

Sol por la volente del pere
Passa Dex par la Virge mere,
Et la parole fu char fete,
Que virginite n’i out frete;
Et habita o nos meismes
Si que sa grant gloire veimes,
Comme verai Dex engendre,
Plein de grace et de verite.

— Guillaume le Clerc de Normandie, Bestiaire divin, circa 1210

Nous allons parler maintenant de la licorne: c’est un animal qui ne possède qu’une seule corne, placée au beau milieu du front. Cette bête a tant de témérité, elle est si agressive et si hardie, qu’elle s’attaque à l’éléphant; c’est le plus redoutable de tous les animaux qui existent au monde. La licorne a le sabot si dur et si tranchant qu’elle peut parfaitement se battre contre l’éléphant; et l’ongle de son sabot est si aigu que, quoi que ce soit qu’elle en frappe, il n’est rien qu’elle ne puisse percer ou fendre. L’éléphant n’a aucun moyen de se défendre quand elle l’attaque, car elle le frappe sous le ventre si fort, de son sabot tranchant comme une lame, qu’elle l’éventre entièrement. Cette bête possède une telle vigueur qu’elle ne craint aucun chasseur. Ceux qui veulent tenter de la prendre par ruse et de la lier vont d’abord l’épier tandis qu’elle est en train de jouer sur la montagne ou dans la vallée; une fois qu’ils ont découvert son gîte et relevé avec soin ses traces, ils vont chercher une demoiselle qu’ils savent vierge, puis ils la font s’asseoir au gîte de la bête et attendre là pour la capturer. Lorsque la licorne arrive et qu’elle voit la jeune fille, elle vient aussitôt à elle et se couche sur ses genoux; alors les chasseurs, qui sont en train de l’épier, s’élancent; ils s’emparent d’elle et la lient, puis ils la conduisent devant le roi, de force et aussi vite qu’ils le peuvent.

Cette bête extraordinaire qui possède une corne sur la tête représente Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre sauveur; il est la licorne céleste qui est venue se loger dans le sein de la Vierge, qui est d’une si grande bonté. En elle, il revêtit forme d’homme, et c’est ainsi qu’il se montra aux yeux du monde. Son peuple ne le reconnut pas; tout au contraire, les Juifs l’épièrent, jusqu’au moment où ils s’emparèrent de lui et le lièrent; ils le conduisirent devant Ponce Pilate, et là, ils le condamnèrent à mort. En vérité, cette bête qui ne possède qu’une seule corne est le symbole de l’unité divine, ainsi que Dieu l’a déclaré lui­même en toute vérité dans l’Évangile, ouvertement et claire­ment : « Mon Père et moi, nous ne sommes qu’un. » Et le bon prêtre Zacharie, avant que Dieu ne naquît de Marie, déclara que dans la maison de David, l’enfant chéri de Dieu, le fils tendrement élevé, se dresserait Notre-Seigneur Dieu en personne. Et Dieu lui-même a dit encore, par la bouche de ·David qui le pro­clame: « Mon corps sera élevé comme la corne de l’unicorne. » Cette parole fut accomplie ainsi que Dieu l’avait promis, conformément au texte de la prophétie, lorsque Jésus-Christ fut couronné, et torturé sur la noire Croix.
La grande cruauté dont cette bête est remplie symbolise le fait que jamais, en vérité, les Puissances du Ciel, les Trônes ou les Dominations ne purent connaître l’heure de l’Incarnation. Jamais le Diable, qui avait pourtant mis une grande application à le savoir, et qui s’y ingénia de toutes les façons, ne put en connaître la route ou le sentier : il ne parvint jamais à savoir comment cela s’était produit.

Dieu manifesta une grande bienveillance quand il prit pour nous forme humaine; ainsi qu’il le dit lui-même, et comme il est écrit dans l’Évangile: « Apprenez de moi, que vous voyez ici parmi vous, combien je suis simple et doux, humble de cœur, et dépourvu d’orgueil. » Par la seule volonté du Père, Dieu s’incarna dans la Vierge Mère, et la Parole fut faite Chair, sans que la virginité fût rompue; et il demeura avec nous, de telle sorte que nous pûmes contempler sa grande gloire, en vrai Dieu fait homme qu’il était, plein de grâce et de vérité.

— Traduction G. Banciotto, Bestiaires du Moyen Âge, 1980.

Le bestiaire Ashmole 1511 de la bibliothèque Bodléienne d’Oxford est un luxueux manuscrit, enluminé à la feuille d’or, copié au début du XIIIe siècle. Alors même que le texte ne parle que de la capture de la licorne et en fait une allégorie de l’incarnation, la miniature qui l’accompagne montre, comme souvent, sa mise à mort par les chasseurs et fait très clairement référence à la Passion du Christ.

Il est une bête appelée licorne, unicornis, que les Grecs appellent Rhinocéros. C’est une bête de petite taille qui ressemble à un chevreau et qui est particulièrement sauvage. Elle possède au milieu de la tête une corne et aucun chasseur ne peut s’emparer d’elle si ce n’est par le stratagème suivant: le chasseur conduit une jeune fille vierge dans la forêt, là où vit la licorne, et l’y laisse seule. Dès que la licorne voit la pucelle, de bondir vers elle et de se blottir contre son sein. C’est ainsi que l’on capture la licorne. Notre Seigneur Jésus-Christ est une licorne céleste dont on a dit: “Il a été chéri comme le fils des licornes.” Et dans un autre psaume: “Ma corne sera élevée comme celle de la licorne.” Et Zacharie de dire: “Pour nous, il a élevé une corne de salut dans la maison de David.” Le fait que la licorne ne possède qu’une seule corne au milieu du front illustre la parole du Christ: “Mon Père et moi ne sommes qu’Un.” La grande sauvagerie de la bête signifie que rien, ni les pouvoirs, ni les trônes, ni les souverainetés, ni l’Enfer, ne purent saisir le pouvoir de Dieu. Pas même le Diable, pourtant si ingénieux, ne parvint à découvrir le lieu et l’heure de son incarnation; c’est par la seule volonté du Père qu’il descendit dans le sein de sa mère pour notre salut à tous. Le fait que la licorne soit petite signifie que le Christ s’est humilié pour nous par son incarnation, et lui-même de nous dire: “Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur.” La licorne ressemble à un chevreau parce que notre Sauveur lui-même a été fait semblable à notre chair de péché, et par le péché il a condamné le péché. La licorne, lorsqu’elle rencontre des éléphants, engage souvent la lutte et abat son ennemi en le frappant au ventre.

Bestiaire Ashmole 1511, début XIIIe siècle, in Le Bestiaire, Éd. P. Lebaud, 1988

Je vous en mets un en latin, quand même, mais il dit à peu près la même chose que les autres. La principale originalité est la référence aux Cyranides, un texte d’origine hellénistique plus ou moins indépendant du Physiologus, pour affirmer que la corne de licorne ferait fuir les démons, ce qui peut être utile si par hasard on en croise un et que l’on a une corne de licorne sous la main. L’affirmation selon laquelle Pompée aurait montré des licornes lors des jeux du cirque, empruntée au de animalibus d’Albert le Grand, est bien sûr due à une confusion avec le rhinocéros.

Unicornis animal est parvum quidem, ut dicit Ysidorus, secundum fortitudinem corporis. Brevia etiam crura habet secundum suam magnitudinem. Acerrimum nimis est, ita ut a nullo venatore vi valeat comprehendi. Huic color buxeus. Cornu in media fronte habet quatuor pedum, a quo nec ipse elephas tutus est corporis sui magnitudine. Hoc cornu ad saxa limat in pugna. Nam sepe cum illo certamen habens in ventre vulneratum prosternit.
Ut dicit liber Kyrannidarum, cornu illud demones eicit. Perforatur enim, et sic sono et presentia cornu fugatur demon.
Ferrum non timet. Manet in montibus excelsis et in solitudinibus vastissimis commoratur. Iacobus et Ysidorus: Sed hoc argumento capitur: Puella virgo in silva proponitur solaque relinquitur. Qui adveniens omni ferocitate deposita casti corporis pudicitiam in virgine veneratur caputque suum in sinu puelle aperientis imponit sicque soporatus inermis deprehenditur a venatoribus, occiditurque vel in regali palatio ad spectaculum exhibetur. Hoc animal primo, ut Plinius dicit, magnus Pompeius ad spectaculum Rome exhibuit. Hoc crudele animal Christum significat, qui ante incarnationem seviebat in celo puniendo angelos propter superbiam, in terra homines propter inobedientiam sicut Adam et propter luxuriam sicut Sodomitas, propter crapulam sicut filios Israel. Huic nullo contradicere audente clamat Ysaias: Non est, inquit, qui consurgat et teneat te. Hunc virgo in deserto mundi quasi cepit, dum gloriose virginis Marie incomparabili pulchritudine castitatis illectus dei filius quasi sinum eius uterum introivit atque per eam humanatus corpus accepit, in quo a Iudeis quasi crudelissimis venatoribus comprehensus occiditur, indeque resurgens et ascendens ad cælos in cælestis regni palatium ad patris dexteram collocatur.

— Thomas de Cantimpré, De natura rerum, circa 1250.

L’Image du monde du lorrain Gautier de Metz, puis le plus savant Livre du trésor de Brunetto Latini, érudit florentin exilé en France, sont des sommes encyclopédiques dont le bestiaire n’est qu’une petite partie. Ils délaissent les allégories chrétiennes pour se concentrer sur la description des créatures, parmi lesquels des animaux d’Europe souvent ignorés des textes plus anciens.

Une bieste i a de biau cors
Con apiele mononcheros ;
Cors de cheval, pies d’olifant
Tieste de cerf, vois clère et grant.
Keues hautes com truies ont
Et une corne enmi le front
Qui de longour a iiij pies,
Droite, ague comme espiés
Quanque qu’ele ataint devant li
Desront et dépièce par mi;
S’ele brise par nul engaing
Si se lait morir par desdaing:
Mais ele ne puet estre prise
Fors par une virgène adevise,
Bien parée, c’on li descuevre
Et cele son geron li evre;
Lors s’en vient la bieste tantost
Viers la pucèle et si s’endort
En son geron molt simplement,
Et lors la prent en en dormant.

— Gautier de Metz, L’image du monde, circa 1245

La licorne est une bête redoutable, dont le corps ressemble un peu à celui d’un cheval; mais elle a le pied de l’éléphant et une queue de cerf, et sa voix est tout à fait épouvantable. Au milieu de sa tête se trouve une corne unique, extraordinairement étincelante, et qui a bien quatre pieds de long, mais elle est si résistante et si acérée qu’elle transperce sans peine tout ce qu’elle frappe. Et sachez que la licorne est si cruelle et si redoutable que personne ne peut l’atteindre ou la capturer à l’aide d’un piège, quel qu’il soit: il est bien possible de la tuer, mais on ne peut la capturer vivante. Cependant, les chasseurs envoient une jeune fille vierge dans un lieu que fréquente la licorne, car telle est sa nature: elle se dirige tout droit vers la jeune vierge en abandonnant tout orgueil, et elle s’endort doucement dans son sein, couchée dans les plis de ses vêtements, et c’est de cette manière que les chasseurs parviennent à la tromper.

— Brunetto Latini, Le livre du trésor, circa 1270, in G. Banciotto, Bestiaires du Moyen Âge, 1980.

Certains manuscrits du Roman d’Alexandre, dont il est beaucoup question dans mon livre, sont accompagnés d’un bestiaire. Celui-ci a été retranscrit, en 1836  par un érudit du XIXe siècle, Jules Berger de Xivrey, dans ses Traditions tératologiques. Le manuscrit est peut-être aujourd’hui à la Bibliothèque nationale, mais la côte donnée par Berger de Xivrey, Saint-Germain-des-Prés 138, est obsolète et ne suffit pas à le retrouver.

La licorne, seigneurs, est une beste très cruelle qui ha le corps grant et gros, en fasson d’un cheval. Sa deffence est d’une corne grant et longue de demye toise, si pointue et si dure qu’il n’est riens qui par elle n’en soit perce, quant la licorne les ataint à-toute sa vertuz. Sa vertu est si grant quelle tue le éléphant quant elle le rencontre de sa corne, laquelle elle luy boute ou ventre. Ceste beste est si forte quelle ne puist estre prinze par la vertu des veneurs, sinon par subtilité. Quant on la vieult prandre, on fait venir une pucelle au lieu où on scet que la beste repaist et fait son repaire. Si la licorne la veoyt , et soit pucelle, elle se va coucher en son giron sans aucun mal lui faire, et illec s’endort. Alors viennent les veneurs qui la tuent au giron de la pucelle. Aussi si elle n’est pucelle, la licorne n’a garde d’y coucher, mais tue la fille corrompue et non pucelle.
Sainct Grégoire dit sur le livre de Job que la licorne est une beste si très fiere que quant elle est prinze on ne la puist dampder, tenir, ne garder, mais se laisse morir de dueul.
Le docteur Plinius dit aussi en son VIIIe livre que quant elle se vieult combattre contre le éléphant, lequel elle hayst mortellement, elle lyme et aguze sa corne contre les pierres, ainsi que feroit ung bouchier son cousteau pour occire quelque beste. Et en la bataille que les deux bestes ont l’une contre l’autre, la licorne lui fourre ou ventre, parce que c’est la plus molle partie de l’elepbant.
La licorne est grant et grosse comme ung cheval, mais plus courtes jambes. Elle est de coulleur tanee. Il est troys maniérés de ces bestes cy nommées licornes. Aucunes ont corps de cheval et teste de cerf et queuhe de sanglier, et si ont cornes noires, plus brunes que les autres. Ceulx-ci ont la corne de deux couldees de long. Aucuns ne nomment pas ces licornes dont nous venons de parler licornes, mais monoteros ou monoceron. L’autre maniére de licornes est appeilee eglisseron, qui est à dire chievre cornue. Ceste-cy est grant et haulte comme ung grant cheval, et semblable à ung chevreul, et ha sa grant corne très aguhe. L’autre maniére de licorne est semblable à un beuf et tachee de taches blanches. Ceste-cy a sa corne entre noire et brune comme la première maniér de licornes dont nous avons parlé. Ceste-cy est furieuze comme ung thoreau, quant elle veoit son ennemy.

— Le livre des proprietez des bestes qui ont magnitude, force et pouvoir en leur brutalitez, Bestiaire accompagnant un roman d’Alexandre, cité in Jules Berger de Xivrey, Traditions tératologiques, Paris, 1836.

Le texte en est assez proche de celui du Livre des propriétés des choses de Barthélémy l’Anglais :

En latin, la licorne est appelée rinoceron et c’est pour cela qu’elle est située parmi les animaux dont le nom commence par la lettre r. La licorne est un animal très cruel qui possède au milieu du front une corne de quatre pieds de long, si forte et si pointue qu’elle perce tout ce qu’elle frappe, comme dit Isidore au douzième livre. La licorne se bat contre l’éléphant et le tue au moyen de sa corne, qu’elle lui enfonce dans le ventre.
Cette bête est si forte que l’habileté des chasseurs ne suffit pas pour la prendre. On met alors une pucelle en l’endroit où l’animal a son repaire. Quand la licorne arrive, elle va se coucher sur le ventre de la pucelle; et, lorsqu’elle s’est endormie, les chasseurs la tuent sur le giron de la fillette, comme dit Isidore au douzième livre. La licorne est si fière que, si elle est capturée, on ne peut la garder, car elle se laisse mourir de chagrin, comme dit saint Grégoire dans sa glose sur le Livre de job.
Au vingt et unième chapitre de son huitième livre, Pline dit que la licorne lime et aiguise sur une pierre la corne qu’elle a au front. Quand elle veut se battre contre l’éléphant qu’elle déteste, elle le frappe au ventre avec sa corne, car elle sait bien que c’est la partie la plus fragile. La licorne est de la taille d’un cheval, mais ses pattes sont plus courtes et elle est de couleur jaune, comme le bois dont on fait les tables pour écrire.
Il existe trois sortes de licorne : l’une a un corps de cheval et une tête de cerf, des pieds d’éléphant, la queue du sanglier et une corne au front d’ envi­ron deux coudées de long. On ne peut la prendre vivante. On l’appelle monoceron. La deuxième est appelée egliceron, ce qui signifie chèvre cornue. C’est un petit animal semblable à un chevreuil, avec sur le front une corne très pointue. La dernière espèce est semblable à un bœuf. Elle est tachetée de blanc, a les sabots durs comme ceux du cheval et elle a une corne sur le front. Pline dit qu’il existe en Inde des ânes qui ont une corne sur le front, mais ils ne sont pas si forts ni si fiers que les licornes, comme disent Aristote et Avicenne.

— Le livre des proprietez des choses, XIVe siècle, traduction de Bernard Ribémont, 1999

Dans le Bestiaire d’Amour de Richard de Fournival, l’allégorie chrétienne laisse place à la rhétorique de l’amour courtois :

Et je fus pris également par l’odorat, tout comme la licorne, qui s’endort au doux parfum de la virginité de la demoiselle. Car telle est sa nature qu’il n’existe aucune autre bête aussi périlleuse à capturer, et elle possède au milieu du front une corne à laquelle aucune armure ne peut résister, si bien que personne n’ose l’attaquer ni rester à la regarder, si ce n’est une jeune fille vierge. Car lorsque son flair lui en fait découvrir une, elle va s’agenouiller devant elle et la salue humblement et avec douceur comme si elle se mettait à son service. De sorte que les chasseurs avisés, qui connaissent sa nature, placent une jeune vierge sur son passage, et la licorne vient s’endormir sur ses genoux. Alors, quand elle est endormie, viennent les chasseurs qui n’osaient pas l’attaquer lorsqu’elle était éveillée, et ils la tuent.
C’est exactement de cette manière qu’Amour s’est vengé de moi. Car parmi les hommes de mon âge, j’avais été le plus orgueilleux de tous à l’égard d’Amour; et il me semblait que je n’avais jamais rencontré de femme que j’aurais désiré avoir totalement à ma volonté, à la condition de l’aimer d’un amour aussi ardent que celui dont on devait aimer, à ce que j’avais entendu dire. Et Amour, qui est un chasseur avisé, plaça sur mon chemin une jeune fille à la douceur de laquelle je me suis endormi, et qui m’a fait mourir d’une mort telle qu’il appartient à Amour, à savoir le désespoir sans espérance de merci. C’est pour cette raison que j’affirme que je fus pris au piège par l’odorat; et par la suite encore, elle m’a tenu continuellement à sa merci par l’odorat, et j’ai abandonné ma volonté pour suivre la sienne, tout comme les animaux qui, une fois qu’ils ont senti à son odeur la panthère, ne peuvent plus s’éloigner d’elle, mais au contraire la suivent jusqu’à la mort, à cause du doux effluve qui s’échappe d’elle.
Et c’est pour cette raison que je dis que je fus pris par ces trois sens, l’ouïe, la vue et l’odorat. Et si j’avais été en outre pris par les deux autres sens, à savoir par le goût en embras­sant, et par le toucher en serrant dans mes bras, alors aurais-je été à bon droit tout à fait endormi. Car c’est alors qu’il ne sent aucun de ses cinq sens que l’homme dort. Et de l’endormir d’amour viennent tous les périls, car pour tous ceux qui s’endorment s’ensuit la mort, aussi bien pour la licorne qui s’endort auprès de la jeune fille, que pour l’homme qui s’endort auprès de la sirène.

— Richard de Fournival, Bestiaire d’amour, circa 1245, in G. Banciotto, Bestiaires du Moyen Âge, 1980.

Ce texte fut un grand succès, au point de voir fleurir les suites, adaptations et traductions, parmi lesquelles la Response du bestiaire, qui se présente comme une réponse faite par la dame à Richard de Fournival. On ne connait pas l’auteur, ou l’autrice car la question est débattue, de ce bref texte qui figure, dans plusieurs manuscrits, à la suite du Bestiaire d’amour.

Par ma foi, j’éprouve une grande crainte de cette licorne, car je sais qu’il n’est pas d’instrument aussi tranchant que de belles paroles : à dire vrai, il n’est rien qui puisse percer un cœur ferme aussi bien qu’une douce parole qui touche où il faut.

La réponse du bestiaire, XIIIe siècle, in G. Banciotto, Le bestiaire d’amour et la response du bestiaire.

À la fin du Moyen Âge, une nouvelle scène vient s’ajouter au corpus légendaire sur l’animal unicorne, celle de la purification des eaux, à l’interprération allégorique presque trop évidente. Voici ce qu’en dit un bestiaire grec du XIIe siècle, seul à également signaler que, la licorne étant mélomane, les chasseurs doivent se faire accompagner de musiciens : 

Il est un animal qu’on appelle licorne (monoceros). Il vit près d’un grand lac. Juste avant que les animaux ne s’y rassemblent, un serpent est venu et a déversé son venin dans les eaux du lac. Les animaux qui voient le poison ne se risquent pas à boire, mais attendent la licorne . Elle arrive, entre dans le lac et fait le signe de croix avec sa corne, éliminant ainsi  tout le pouvoir du poison.
Cet animal a une deuxième nature. Il aime la gaieté. Que font les chasseurs qui veulent le capturer ? Ils apportent des tambours, des trompettes, des cordes et tous les instruments de musique qu’ils trouvent. Ils s’approchent de l’animal en jouant de la trompette et des autres instruments, en chantant et en dansant gaiement. Ils placent une jeune femme devant un arbre près de la licorne, bien habillée, et lui donnent une corde qui est attachée à l’arbre. Entendant le bruit et les chants, la licorne s’approche, regarde, écoute mais n’ose d’abord pas s’approcher. Puis, voyant la jeune fille seule, elle vient près d’elle et se frotte contre ses genoux. La jeune femme la caresse, et la licorne s’endort. Elle attache alors la corde à sa corne. Quand la licorne se réveille, elle ne peut plus s’échapper, tenue par la corde. De désespoir, elle laisse tomber sa corne et s’enfuit. Les chasseurs prennent alors la corne, qui est un excellent remède contre le poison des serpents.

— Bibliothèque nationale, ms grec 1140, traduit d’après la version allemande de J.W. Einhorn, in Spiritalis Unicornis.

La nature de l’unicorne restait cependant d’être attirée par les jeunes vierges, et le récit de la bête touchant de la pointe de sa corne les eaux empoisonnées afin que les autres animaux pussent boire ne fut repris dans le monde latin que par de rares bestiaires méridionaux, comme ce Livre des secréz de nature sus la vertu des oyseauls et des poissons, pierres et herbes et bestes. Preuve de sa moindre importance, les enlumineurs lui préfèrent toujours la scène de la chasse à la licorne.

L’unicorne est une bête qui naît ès parties d’Inde, laquelle a corps de cheval et pieds d’éléphant et la tête comme le cerf et moult claire voix et enmi le front une corne de quatre pieds de long laquelle est aiguë et tranchante comme un espin. Et en celles parties et déserts où elle demeure a tant de vermine de serpents et de couleuvres que tous les lacs et lieux aqueux en sont trèstout pleins tant que les autres bêtes n’osent boire pour le très grand venin qui y est jusques à tant que l’unicorne y vient boire; car nature les enseigne que cette bête les doit garder de ce venin. Car cette bête unicorne a telle vertu que incontinent que de sa corne que a au milieu du front touche l’eau envenimée, tout le venin et vermine saute fors; et adonc elle boit et toutes les autres bêtes boivent après lui. Et sachez que la corne de cette bête a maintes nobles propriétés car elle vaut contre tout venin et contre toute enflure, donnant du vin ou de l’eau à boire là où la dite corne soit lavée ou de la poudre ou de la rasure d’elle. Et sachez que cette bête est de telle nature que nul ne la peut prendre sinon une belle pucelle laquelle on lui met en sa voie. Et la pucelle quand la voit venir lève le giron de sa robe et elle se vient endormir en son giron. Et adonc vient le veneur qui l’épie et la tue en son giron car autrement ne la peut-on avoir.

— Bibliothèque de l’Arsenal, ms 2872, fol 52v, le livre des secréz de nature sus la vertu des oyseauls et des poissons, pierres et herbes et bestes, lequel le noble roy Alfonce d’Espaigne fit transporter de grec en latin, XIVe siècle. Transcrit par Louis Delatte, Textes latins et vieux français relatifs aux Cyranides, 1942.

La Concordia caritatis du moine allemand Ulrich von Lilienfeld, au milieu du XIVe siècle, est à la fois un bestiaire et un ouvrage de typologie biblique, à la manière de la Biblia pauperum ou le Speculum humanæ salvationis, dont vous trouverez aussi quelques images sur ce site. Il associe à des épisodes du nouveu testament d’une part des passages de l’ancien, d’autre des scènes de l’histoire naturelle, une histoire naturelle reprise des bestiaires, avec moult dragons et quelques licornes. L’incarnation est illustrée par le récit de la capture de la licorne, et par celui de l’escarboucle cachée à l’intérieur d’un très ordinaire saphir.

Il y a aussi des licornes, pas tout à fait les mêmes, dans les bestiaires persans et arabes. Mais ça, j’en parle dans mon livre.

Et, comme dit un autre bestiaire, celui de Gervaise :

Ici fenist li Bestiaires.
Plus n’en avoit en l’essenplare 
Et de mentir seroit folie
Qui plus en set plus vos en die! 
Gervaises qui le romain fit     
Plus ne trova ne plus n’en dit.   
Ci fenist li livre des bestes;    
Dex nos gart nos biens et nos testes !          

Ici finit le bestiaire
Je n’ai plus d’exemple à donner
Et mentir serait folie
Si quelqu’un en sait plus, qu’il le dise!
Gervaise qui écrivit ce livre
Ne trouva ni ne dit rien de plus
Ici finit le livre des bêtes
Dieu garde nos biens et nos têtes !

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