Un peu comme pour les bestiaires, j’avais beaucoup d’images qui n’ont bien sĂ»r pas toutes trouvĂ© place dans mon livre. Voici donc quelques miniatures, et de nombreuses gravures, ou apparait la licorne.
Les recueils manuscrits de Dialogues des crĂ©atures sont parfois, Ă la fin du Moyen Ăge, enrichis de miniatures qui dĂ©veloppent des scĂšnes diffĂ©rentes de celles des bestiaires. Leur succĂšdent dĂšs la fin du XVe siĂšcle des compilations imprimĂ©es de fables d’Esope, dont bien peu remontent effectivement au fabuliste grec, qui sont systĂ©matiquement accompagnĂ©es de nombreuses gravures. La licorne y est parfois moquĂ©e pour son orgueil ou sa suffisance, comme dans les fables La licorne et le corbeau ou La licorne, le lĂ©opard et le dragon – pour en connaĂźtre le rĂ©cit et la morale, il vous faudra aller voir mon livre.
Parfois, sans ĂȘtre citĂ©e dans le texte, elle apparaĂźt simplement dans la foule des animaux qui suivent celui qui, dĂ©jĂ , en est devenu le roi, le lion. Elle se moque aussi, comme tout le monde, de la guenon qui prĂ©sente son nouveau-nĂ© Ă Jupiter comme le plus beau bĂ©bĂ© du monde.
Elle prend part Ă la guerre entre les quadrupĂšdes et les oiseaux, comme la prĂ©cĂ©dente une vĂ©ritable fable d’Ăsope prĂ©sente dans de nombreux recueils. Le personnage principal en est la chauve-souris qui ne veut pas prendre parti et finit par ĂȘtre rejetĂ©e par tous. Il est bien sĂ»r totalement anachronique dây voir une allĂ©gorie de la bisexualitĂ©, mais câest quand mĂȘme tentant. Sur quelques gravures apparaĂźt le griffon, qui semble s’ĂȘtre posĂ© moins de questions identitaires et avoir rapidement choisi le camp des oiseaux.
La licorne et la huppe, qui apparaĂźt dans quelques recueils de vraies et fausses fables d’Esope Ă la fin du XVIIe siĂšcle, est une fable moderne, contemporaine de celles de La Fontaine.
Au XIXe siĂšcle, les lĂ©gendes populaires reviennent Ă la mode. Suivant lâexemple des frĂšres Grimm, des auteurs de toute lâEurope publient des recueils dans lesquels il nâest pas toujours possible de faire la part de la tradition orale, de lâembellissement et, parfois, de lâinvention. Les fables prennent du volume et deviennent contes. La licorne plante sa corne dans un arbre dans Le Vaillant petit tailleur, elle ne parvient pas Ă monter dans lâArche dans un conte juif[1], un ours dont la corne unique cache une escarboucle apparaĂźt dans un conte islandais[2], un quadrupĂšde Ă longues pattes et longue corne rode dans les lochs de lâĂźle de Skye[3], mais il est difficile de dater des rĂ©cits dont nous nâavons souvent pas de trace Ă©crite avant lâĂ©poque romantique. Dans les annĂ©es 1900, certains auteurs se font mĂȘme une spĂ©cialitĂ© dâen crĂ©er de nouveaux, dont lâaction se situe toujours dans le mĂȘme Moyen Ăge intemporel et lĂ©gĂšrement fĂ©Ă©rique. Ces contes reconstruits, trop beaux, trop naĂŻfs et trop gentils pour ĂȘtre vrais, ont pour la plupart Ă©tĂ© vite oubliĂ©s. Un exemple parmi des dizaines, dans le magazine anglais The Strand, le mĂȘme qui publiait les aventures de Sherlock Holmes, parut en 1895 un conte de E.P. Larken intitulĂ© la licorne. On y retrouve un topos classique des contes de fĂ©es, les trois frĂšres (ou les trois sĆurs) dont le benjamin, plus honnĂȘte et courageux, rĂ©ussit lĂ oĂč ses brutaux ainĂ©s ont Ă©chouĂ©. LaissĂ© pour mort par ses frĂšres Fritz et Franz, Hans, avec lâaide de la licorne, trouve la fontaine enchantĂ©e dont lâeau transforme ce quâelle touche en or et, bien sĂ»r, Ă©pouse la princesse.
[1] Gertrude Landa, Jewish Fairy Tales and Legends, 1919.
[2] JĂłn Ărnason, Ăslenzkar ĂŸjóðsögur og ĂŠvintĂœri, 1864.
[3] John Gregorson Campbell, Superstitions of the Highlands & Islands of Scotland, Glasgow, 1900, p.217.