➕ Les bêtes de l’enfer et de l’Apocalypse

La bête de l’Apocalypse avait sept tête et dix cornes, et donc bien souvent une ou plusieurs têtes unicornes. C’est peut-être l’origine de certaines des images de dragons unicornes dont je parle dans mon livre. Ce chapitre était cependant un peu hors-sujet, c’est pourquoi il a été l’un des premiers à sauter quand j’ai du élaguer un peu.

Un autre signe parut encore dans le ciel ; et voici, c’était un grand dragon rouge feu, ayant sept têtes et dix cornes, et sur ses têtes sept diadèmes.
Sa queue entraînait le tiers des étoiles du ciel, et les jetait sur la terre. Le dragon se tint devant la femme qui allait enfanter, afin de dévorer son enfant, lorsqu’elle aurait enfanté.
Elle enfanta un fils, qui doit paître toutes les nations avec une verge de fer. Et son enfant fut enlevé vers Dieu et vers son trône.
Et la femme s’enfuit dans le désert, où elle avait un lieu préparé par Dieu, afin d’y être nourrie pendant mille deux cent soixante jours.
Et il y eut guerre dans le ciel. Michel et ses anges combattirent contre le dragon. Et le dragon et ses anges combattirent, mais ils ne furent pas les plus forts, et leur place ne fut plus trouvée dans le ciel.
Et il fut précipité, le grand dragon, le serpent ancien, appelé le diable et Satan, celui qui séduit toute la terre, il fut précipité sur la terre, et ses anges furent précipités avec lui.

— Apocalypse, 12, 3-9

Puis je vis monter de la mer une bête qui avait dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes, et sur ses têtes des noms de blasphème.
La bête que je vis était semblable à un léopard; ses pieds étaient comme ceux d’un ours, et sa gueule comme une gueule de lion. Le dragon lui donna sa puissance, et son trône, et une grande autorité.
Et je vis l’une de ses têtes comme blessée à mort; mais sa blessure mortelle fut guérie. Et toute la terre était dans l’admiration derrière la bête.
Et ils adorèrent le dragon, parce qu’il avait donné l’autorité à la bête; ils adorèrent la bête, en disant: Qui est semblable à la bête, et qui peut combattre contre elle ?
Et il lui fut donné une bouche qui proférait des paroles arrogantes et des blasphèmes; et il lui fut donné le pouvoir d’agir pendant quarante-deux mois
Et elle ouvrit sa bouche pour proférer des blasphèmes contre Dieu, pour blasphémer son nom, et son tabernacle, et ceux qui habitent dans le ciel.
Et il lui fut donné de faire la guerre aux saints, et de les vaincre. Et il lui fut donné autorité sur toute tribu, tout peuple, toute langue, et toute nation.
Et tous les habitants de la terre l’adoreront, ceux dont le nom n’a pas été écrit dès la fondation du monde dans le livre de vie de l’agneau qui a été immolé.
Si quelqu’un a des oreilles, qu’il entende !

— Apocalypse, 13, 1-9.

Et je vis une femme assise sur une bête écarlate, pleine de noms de blasphème, ayant sept têtes et dix cornes.
Cette femme était vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or, de pierres précieuses et de perles. Elle tenait dans sa main une coupe d’or, remplie d’abominations et des impuretés de sa prostitution.
Sur son front était écrit un nom, un mystère : Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre.

— Apocalypse, 17, 3-5

« Alors un autre signe apparut dans le ciel : c’était un grand dragon rouge feu. Il avait sept têtes et dix cornes et, sur les sept têtes, sept diadèmes». Un peu plus loin, une bête qui n’a plus rien du dragon monte de la mer ; elle est semblable à un léopard à pattes d’ours et tête de lion, mais elle aussi  a « dix cornes et sept têtes, et sur ses cornes dix diadèmes ».

Si la bête à sept têtes est présente dans de nombreuses traditions, en Occident comme au Moyen Orient, les dix cornes sont plus originales et posent un problème anatomique car le texte sacré ne précise pas comment elles sont réparties entre les chefs de la créature. Sauf à placer, comme le firent quelques enlumineurs, les dix cornes sur une seule ou sur quelques-unes des sept têtes, souvent plus grosses que les autres, il fallait, pour de simples raisons arithmétiques, que certains des chefs du dragon de l’Apocalypse et de la bête de la mer fussent unicornes.

Pour les diadèmes, sept sur les chefs du dragon et dix sur les cornes de la bête, c’est un peu plus complexe, mais les artistes les ont parfois ignorés, les jugeant sans doute moins intéressants que les cornes. La bête de la terre, dernière à faire son entrée, est décrite très succinctement et n’a, plus classiquement, qu’une tête et deux cornes ; on comprend qu’elle ait moins inspiré peintres et graveurs.

Les nombreuses représentations de l’Apocalypse ont sans doute contribué, dès le Haut Moyen Âge, à répandre l’image de créatures démoniaques unicornes. Les cornes dans l’Apocalypse peuvent cependant, comme dans tous les textes bibliques, être bonnes ou mauvaises, et le Christ y apparaît aussi, bien avant le dragon et la bête, sous la forme d’un agneau à sept cornes et sept yeux.

Dans la Divine Comédie, au chant trente-deuxième du Purgatoire, Dante décrit comment, des côtés du char triomphal du griffon, symbole de l’Église, s’élèvent peu à peu les sept têtes hideuses de la bête de l’Apocalypse : « Il me sembla que la terre s’ouvrait entre les roues et j’en vis sortir un dragon qui enfonça sa queue dans le char.[…] Ainsi transformé, le char sacré fit paraître plusieurs têtes en ses diverses parties, trois au timon et une à chacun de ses coins. Les premières avaient des cornes comme les bœufs, mais les autres n’en avaient qu’une au milieu du front ; on ne vit jamais un pareil monstre ».

L’hydre de Lerne a parfois aussi des chefs unicornes, comme dans Le théâtre des bons engins  de Guillaume de la Perrière, un livre d’emblèmes du début du XVIe siècle. Même Cerbère a, sur un dessin de Giuseppe Arcimboldo, sa tête centrale armée d’une courte corne spiralée.

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