oé n’avait donc pas oublié les licornes. La Bible ayant été le livre le plus copié au Moyen Âge, puis le plus imprimé à la Renaissance, ce ne sont pas les preuves, ou du moins les images, qui manquent. Je n’ai bien sûr pas pu les mettre toutes dans mon livre….
L’embarquement
Dieu donne le premier cône de chantier à Noé pour assurer la sécurité de la mise en eau de l’Arche.
Grandes heures de Rohan , XVe siècle.
BNF, ms lat 9471, fol 21v
La fabrication de l’Arche et l’embarquement.
bible grecque du XIIe siècle.
Bibliothèque du Vatican cod gr 746, fol 53v. La licorne, le griffon, le lion, l’éléphant et le bÅ“uf, cinq animaux christiques, embarquent les premiers. Les licornes ont l’air très pressées de monter, le chat a encore droit à un traitement de faveur, les éléphants sont un peu ridicules, mais c’est du côté des lions et des cerfs qu’il y a quelque chose qui cloche.
Livre d’heures de Charles V, début du XVIe siècle.
Madrid, Bibliothèque Nationale d’Espagne, ms cod. Vitr 24-3, fol 27r Recueil de vies de saints russe, 1628.
Saint-Petersbourg, Bibliothèque Nationale de Russie, ms ОЛДП Q. 17, fol 54r. Psautier dit “de la reine Marie”, circa 1320.
British Library, Royal ms 2 B, fol 6v. Cosmas Indicopleustès, Topographie chrétienne, XVIe siècle.
Saint Petersbourg, Bibliothèque Nationale de Russie, ms ОЛДП Q. 20, fol 23v. L’Histoire de la Genèse, fresque de Paolo Uccello au monastère dominicain de Santa Maria Novella, près de Florence, circa 1425.
Photo Sailko, Wikimedia Commons.
François de Belleforest, La cosmographie universelle de tout le monde, 1575 Adrien Collaerts, d’après Crispijn van der Broeck, circa 1580.
Il y a de l’eau partout, et il semble même y avoir de l’eau dans le gaz, puisque les licornes embarquent séparément. L’une est déjà sur la passerelle, tandis que l’autre est en arrière avec Noé et ses potes. The History of Genesis, being an account of the holy lives and actions of the patriarchs, 1708Gravure de Jan Sadeler, 1586. icône du peintre grec Theodoros Poulakes largement inspirée de la gravure précédente – un bel exemple d’auto-orientalisme.
Institut hellénique de Venise
Cornelius Cort, l’histoire de Noé, circa 1560 Hendrik van der Putte, circa 1780. Monsieur licorne, dont la dame ne porte pas de corne, semble très content de partir en croisière. Pieter van der Borcht, L’embarquement dans l’Arche , circa 1653 Gravure attribuée à Symon Novellanus, circa 1600.
Outre les licornes, devant l’arche à gauche, on remarque plusieurs variétés de dragons et, au centre, les oiseaux de paradis, dénués de pattes.
Bible allemande, 1602. Il est beaucoup questions d’animaux dans l’Histoire naturelle de Pline l’Ancien. Il n’était donc pas absurde de représenter, comme dans cette édition allemande de 1584, l’arche de Noé sur le frontispice. Les licornes sont encore à terre, les rhinocéros embarquent. Dessin de Johannes Wierix, circa 1600.
British Museum. Matthäus Merian, Noé en prière , circa 1630. André Basset, Noé en prière , circa 1670. L’histoire du vieux et du nouveau testament , 1671Cornelius Cort, 1575.
Leandro Bassano (1557-1622), L’Arche de Noé Noé s’occupe personnellement des licornes. Masséot Abaquesne, L’embarquement dans l’Arche, 1550.
L’arche a l’air un peu petite pour tout ce monde.
Ecouen, Musée National de la Renaissance
Jan Brueghel l’ancien, 1596. Roelant Savery, L’arche de Noé, circa 1628.
Les licornes sont devant l’arche, trempant leur corne dans la rivière.
Musée national de Varsovie.
Les fresques de l’église San Maurizio de Milan, peintes vers 1520 par Bernardino Luini, montrent plusieurs épisodes du déluge, avec l’embarquement dans l’arche, puis l’arche flottant sur les eaux, puis l’arche échouée sur le mont Ararat. Les licornes n’apparaissent que sur la fresque de l’embarquement.
Jan Griffier l’ancien, L’Arche de Noé, , 1710.
Musée de Bristol. Fresque de Gury Nikitin et Sila Savin, 1680 Yaroslavl, Église du prophète Élie. Fresque de la cathédrale de la Résurrection, Tutaiev, 1680.
Les licornes ont donc embarqué dans l’arche. Quant à ce qu’il s’est passé ensuite, à bord du navire, puis lors du débarquement, je vous mets quelques illustrations ici. Pour avoir le détail des événements, il vous faudra lire mon livre !
La vie à bord
Nicolas de Lyre, Postillæ super Genesim, XVe siècle.
BNF, ms lat 11972, fol 25r.
L’Arche de Noé, l’un des mille et quelques croisillons du XVe siècle au plafond de la cathédrale de Norwich, en Angleterre. Photo Holly Hayes Beatus super Apocalypsim, manuscrit espagnol de commentaires de l’apocalypse (Rylands Beatus), circa 1300.
En haut, Noé récupère la colombe de retour de mission avec un rameau d’olivier dans son bec. En bas à droite, le corbeau becquette un cadavre.
University of Manchester Library, ms 8, fol 15r
La cabine des licornes. Les hydres à sept têtes ne sont pas mal non plus. Miroir de l’humaine salvation , XVe siècle. Ici, la licorne se fait discrète.
Chantilly, Musee Conde, ms 139, fol 4r.Saint Augustin, La Cité de Dieu, XVe siècle. BNF, ms fr 28, fol 66v. Speculum humanæ salvationis , XVe siècle.
Heidelberg Universitätsbibliothek, ms bav pal lat 413, fol 6v.Tout le monde semble avoir des problèmes….
Saint Augustin, De Civitate Dei, 1503. Edinburgh, National Library of Scotland, Adv ms 1.1.2, fol 213v. Sauf les licornes ! Plan en coupe de l’Arche de Noé. Athanasius Kircher, Arca Noe , 1675. Et la cabine des licornes, curieusement au nombre de quatre. Selon la manière dont on lit le texte biblique, il devrait y en avaoir deux, ou quatorze, éventuellement sept, mais pas quatre !
Athanasius Kircher, Arca Noe , 1675. Jan Luyken, plan de l’arche de Noé, niveau des quadrupèdes, 1690. La cabine des licornes. Et, au niveau des oiseaux, celle des griffons.
Les images du débarquement sont plus rares, mais elles montrent généralement aussi que les licornes sont descendues comme tout le monde. Pourtant, dans de nombreuses bibles, c’est là la dernière fois que l’enlumineur ou le graveur les a représentées, comme si elles s’étaient ensuite discrètement éclipsées.
L’arrivée sur le mon Ararat
La Bouquechardière, , circa 1460.
Chantilly, Musée Condé, ms 728, fol 7r.Les images du débarquement sont rares. Sur ce tableau de Simon de Myle, en 1570, on voit deux licornes, mais aussi deux rhinocéros, deux dragons et deux griffons, à une époque où ces bestioles se faisaient rares dans les représentations du monde animal.
Collection privée
L’une des deux licornes, le mâle, avance fièrement sur le pont ; de la femelle, dissimulée par la cabine, on ne voit que le museau, peut-être parce que le peintre hésitait à la représenter également cornue. Lodewijk Tieling. L’Arche de Noé, circa 1700.
Ils n’ont pas l’air pressés, on va doncx supposer que c’est après le débarquement.
New York, Metropolitan Museum.
Gravure anonyme, 1579.
Les chevaux ne perdent pas de temps. Les licornes, derrière, sont plus sages. Si ce sont bien les deux licornes qui débarquent, seul le mâle arbore une corne.
Cornelius Cort, circa 1643. Noé offre un sacrifice après le débarquement. La licorne figurant parmi les créatures sacrifiées, on peut en déduire que sa viande est casher. Guillaume Paradin, Historiarum Memorabilum ex Genesi Descriptio, Lyon, 1558. Ici, on n’est pas tout à fait certain que les licornes puissent être sacrifiées.
Gravure de Crispijn de Passe, circa 1590. Les licornes, qui sortent de l’Arche, en haut à gauche, vont sans doute encore y passer.
Gravure de Symon Novellanus, circa 1600.
Les licornes sont pourtant absentes de l’Ark Encounter, le musée créationniste ouvert en 2016 dans le Kentucky, où une plaque devant la cabine du rhinocéros explique que les références bibliques à la licorne s’expliquent par une confusion avec ce dernier. C’est certainement parce que les initiateurs de ce projet sont des hommes de peu de foi.