➕ Voisins de bestiaire

Où nous découvrons quelques compagnons de bestiaire de la licorne, certains connus comme le dragon, la baleine, la sirène ou l’éléphant, d’autres moins comme le bonnacon, la calandre ou le manticore.

Avant d’aller plus loin avec la licorne médiévale, faisons un peu connaissance avec son entourage, ceux que l’on pourrait appeler ses voisins ou compagnons de bestiaire. Retrouvons certains d’entre eux dans le bestiaire d’Anne Walshe conservé sous la côte GKS 1633 à la bibliothèque royale de Copenhague qui, par chance, vient d’en rendre publiques de très bonnes images.
Avec cent-vingt-trois entrées, ce manuscrit en latin sans doute copié en Angleterre au XIVe siècle, est relativement riche. Il décrit notamment le griffon, absent de beaucoup d’autres textes. Sans cadres décorés, sans feuille ou poudre d’or, ses miniatures ne sont pas les plus impressionnantes. Ce sont de simples dessins en ligne noire rapidement coloriés, mais leur style un peu gamin et leur humour n’a pas vieilli.
On ignore si ce manuscrit d’assez petit format, une vingtaine de centimètres de haut pour une douzaine de large, était d’emblée destiné à des enfants, ce qui en ferait un cas unique et expliquerait le style particulier des illustrations, ou si ce sont ces dessins qui en ont fait un support d’enseignement. Toujours est-il que le livre a appartenu à Anne Walshe, une jeune fille de la bonne société anglaise du XVe siècle, qui y apprenait la lecture et le latin. La jeune élève a laissé ici et là dans les marges du manuscrit des doodles et des essais d’écriture et de signature. Elle a aussi enrichi quelques miniatures, ajoutant des canines au loup et peut-être à la licorne.

Adam nommant les animaux


Bref, avec de jolis dessins, une histoire amusante, des scans de qualité et toutes les créatures merveilleuses dont je pouvais avoir envie de parler, le bestiaire d’Anne Walshe est exactement ce qu’il faut pour présenter quelques-uns – pas tous – des collègues de la licorne.
Si vous voulez en savoir plus sur toutes les étonnantes créatures du bestiaire médiéval, je vous conseille une promenade sur le site encyclopédique, en anglais, de David Badke, The Medieval Bestiary.

La licorne

Une licorne a l’air un peu carnassier.

Le monoceros

Et un monoceros qui n’a pas l’air plus sympathique.

Le Bonnacon

Le bonnacon est un taureau d‘Inde dont les cornes recourbées vers l’arrière sont inoffensives. Heureusement, il dispose d’autres armes, puisqu’il rejette des excréments fumants et empoisonnés.

Le dragon, les colombes et le péridexion.

La colombe, qui comme la licorne peut représenter l’Esprit Saint, est un oiseau des plus sympathiques, ami avec tout le monde. Le dragon aussi aime les colombes, mais plutôt au déjeuner. Fort heureusement, les colombes savent que le dragon ne supporte pas l’odeur du fruit du péridexion, et vont se réfugier sur les branches de cet arbre.

La baleine

La baleine est un poisson si gros que les marins la prennent pour une île, accostent et débarquent. Quand ils allument du feu, le gros poisson se rend compte de leur présence et plonge brutalement. D’autres bestiaires montrent les flammes, la baleine qui plonge et les marins qui tentent d’échapper à la noyade.

L’éale et le loup

L’eale est armé de deux cornes mobiles, qu’il peut bouger à loisir dans toutes les directions, ce qui le rend particulièrement dangereux. Sur d’autres manuscrits, elles sont droites et spiralées comme des cornes de licorne.
Si un loup voit un homme avant que l’homme ne voie le loup, l’homme devient muet. Les poils de sa queue servent à préparer des philtres d’amour.

Le griffon

Tout sauvage et rapace qu’il soit, le griffon qui garde les mines d’or et peut emporter un bœuf dans ses serres, est présenté dans les bestiaires sous un angle plutôt positif, car il symbolise la double nature humaine et divine du Christ.

L’autruche

L’autruche, oiseau qui ne peut pas voler, se nourrit de fer et abandonne ses œufs dans le sable, les laissant éclore seuls.

Le crocodile

Le crocodile pleure après avoir dévoré un homme, mais ses larmes sont de crocodile. Son plus féroce ennemi est l’hydre. Lorsqu’il croit l’avaler, celle-ci, comme on le voit ici, s’échappe en le dévorant de l’intérieur.

L’éléphant

En Inde et en Perse, les armées sont accompagnées de tours de combat attachées sur le dos des éléphants. L’éléphant, sentimental et un peu naïf, est l’animal dont l’intellect est le plus proche de celui de l’homme. Il n’a de relations sexuelles qu’une fois par an, après avoir mangé la racine de mandragore. N’ayant pas d’articulation au genou, il dort debout, appuyé à un arbre. Licorne et dragon sont des ennemis de l’éléphant.

Le pélican

Les jeunes pélicans d’Égypte, lorsqu’ils grandissent, attaquent leurs parents à coups de bec. Le père se défend et les tue. Désespérée, après trois jours (tout se passe toujours après trois jours dans les bestiaires), la mère s’ouvre le ventre et laisse son sang couler sur les petits, ce qui les fait revivre. Je vous épargne l’évidente allégorie chrétienne. Les pélicans se nourrissent essentiellement de crocodiles.

Le renard

Dans de nombreux bestiaires, mais pas dans celui d’Anne Walshe, la fiche du renard est juste après ou juste avant celle de la licorne. Le renard, à la symbolique très négative, est en effet lui aussi une anti-licorne, puisqu’il piège ses proies en s’allongeant sur le dos et en faisant le mort jusqu’à ce qu’un oiseau curieux vienne se poser sur son ventre. Sur beaucoup de bestiaires, le renard est représenté allongé sur le dos ; ici, il vient de se relever.

La salamandre

La salamandre a le corps si froid qu’elle peut vivre dans les flammes, et éteindre n’importe quel incendie. Son poison est si puissant que si elle monte dans un arbre, ses fruits en deviennent mortels. De même, si elle entre dans un fleuve, ses eaux en sont empoisonnées.

Le Phénix

Il n’existe qu’un seul Phénix au monde, qui vit en Arabie. Lorsqu’il atteint l’âge de cinq cents ans, il monte sur un bûcher de bois et d’épices qu’il a lui-même bâti, frappe de son bec sur une pierre pour l’enflammer et bat des ailes pour entretenir le feu. Un nouveau phénix renait ensuite des cendres.

Le perroquet et le calandre.

Quand un perroquet têtu refuse d’apprendre de nouveaux mots, il faut lui taper sur le crâne avec une barre de fer pour le motiver. Les perroquets qui ont trois griffes à chaque patte sont de bonne composition, mais ceux qui en ont six peuvent être méchants. Celui d’Anne Walshe est donc un gentil.
Le calandre a des pouvoirs de guérison. S’il regarde un malade dans les yeux, il absorbe le mal par son regard et l’homme guérira. S’il refuse de le regarder, l’homme meurt rapidement.

Le manticore

Le manticore a un corps de lion, une tête humaine, trois rangées de dents et une queue de scorpion. Il peut sauter à une grande distance, et sa voix ressemble à la musique d’une flute de Pan.

La guenon

La guenon donne toujours naissance à des jumeaux. Elle porte dans ses bras celui qu’elle aime bien, tandis que celui qu’elle n’aime pas s’accroche dans son dos. Lorsqu’elle est poursuivie par des chasseurs, pour courir plus vite, elle laisse tomber son favori, qui est capturé, tandis que son frère mal aimé, toujours accroché au dos de sa mère, parvient à leur échapper.

Le martin pécheur

Le martin-pêcheur pond ses œufs sur le rivage. Tout le temps de leur incubation, la mer reste calme. Les pêcheurs sont donc très attentifs et attendent de le voir déposer ses œufs pour partir en mer.

La cannelle provient de l’écorce du cannelier, et en particulier des branches supérieures, difficiles à atteindre. La technique la plus efficace est de repérer un nid de cannomologus, fait de morceaux d‘écorce, et de le faire tomber.

Le castor

L’homme chasse le castor pour ses testicules, très utiles en médecine. Lorsque le castor voit qu’il va être rattrapé, il s’arrache donc les testicules avec les dents et les lance vers le chasseur, qui n’a alors plus de raison de continuer la chasse. Si, plus tard, le même castor est de nouveau poursuivi, il se retourne vers le chasseur pour lui montrer qu’il n’a plus de testicules.

Le tigre

Le tigre, dont le nom signifie flèche en perse, est très rapide, tout comme le cours du fleuve homonyme. Les chasseurs enlèvent les jeunes tigres, qui peuvent être apprivoisés. Le tigre les rattraperait aisément si les chasseurs ne laissaient derrière eux un miroir. Le tigre qui voir son reflet dans le miroir pense que c’est son petit ; le temps qu’il prenne conscience de sa méprise, le chasseur est déjà loin. Sur la plupart des bestiaires enluminés, c’est la scène du tigre se regardant dans le miroir et non, comme ici, celle du chasseur s’enfuyant avec le chaton, qui est représentée.

La panthère et le dragon

La belle panthère multicolore attire les autres animaux, qui se rassemblent autour d’elle pour échapper au féroce dragon. Ce dernier est en effet le seul à ne pas apprécier sa bonne odeur. La scène rappelle celle de la licorne trempant sa corne dans l’eau empoisonnée pour que les animaux puissent boire, et la panthère donc aussi un animal christique. Ici, le dragon se réfugie dans une grotte pour échapper à l’odeur désagréable de la panthère.

L’antilope

L’antilope est, comme la licorne, un animal sauvage et rapide. Fort heureusement, cet herbivore coince parfois ses cornes en forme de scie dans les bosquets dont il se nourrit, et les chasseurs en profitent alors pour le tuer.

Le chien

Le chien reconnaît immanquablement l’assassin de son maître.

Sirène

Il y a deux sirènes dans le bestiaire d’Anne Walshe, l’une classée parmi les oiseaux et l’autre parmi les poissons.

Le chameau

Il n’y a rien de très intéressant dans le bestiaire sur le chameau, si ce n’est qu’il peut stocker de l’eau dans sa bosse et passer plusieurs jours sans boire, ce que vous saviez déjà. Je vous ai surtout mis l’image ici à cause de la bosse, qui n’est pas exactement comme nous la connaissons aujourd’hui. Il y avait quelques chameaux en Europe, ramenés par des voyageurs, et d’autres représentations sont bien plus réalistes.

L’aigle

Lorsque l’aigle devient vieux, sa vue baisse et ses ailes perdent de leur vigueur. Il vole alors vers le soleil et le fixe du regard. La chaleur élimine la buée qui obscurcissait sa vue, et brûle ses vieilles ailes. L’aigle redescend ensuite vers la terre et plonge trois fois dans la mer, retrouvant vue et vigueur.

L’oiseau de paradis

L’oiseau de Paradis, qui n’a pas de pattes, vole durant toute sa vie, même dans son sommeil, et ne se pose jamais à terre.

Le cockatrice
Le basilisc

Attention à ne pas confondre le cockatrice, en haut, et le basilisc, en bas. Le premier est issu d’un œuf de poule couvé par un serpent ou un crapaud, le second d’un œuf de reptile couvé par un oiseau. Le seul ennemi du basilisc est la belette, insensible au poison mortel qu’il distille par son seul regard.

La vipère

Cette scène impressionante illustre la reproduction de la vipère. La femelle tranche puis avale la tête du mâle qui, dans les intestins, donne naissance aux petits serpenteaux. Ceux-ci se fraient ensuite un chemin vers le monde extérieur en dévorant le corps de leur mère de l’intérieur. La reproduction de la vipère nécessite donc la mort du père, puis de la mère.

De nombreux bestiaires, comme celui d’Anne Walshe, consacrent de nombreuses pages aux diverses espèces de serpents, avec ou sans pattes, avec ou sans ailes, à une ou deux têtes.

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