Jeux de coopération et de compétition, un paradoxe politique
Cooperative and competitive games, a political paradox

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J’étais, il y aune dizaine de jours, à un très sérieux colloque international sur les jeux et l’éducation. J’y ai principalement exprimé ma méfiance face à la mode du jeu éducatif, y compris le “serious games” informatique, qui bien souvent n’est plus perçu comme un jeu par les élèves, qui privilégie la réflexion analytique et stratégique déjà trop présente dans l’univers scolaire au détriment de la pensée critique, et qui, tout comme les envahissants powerpoints, finit par interdire l’improvisation et l’innovation au nom même de l’innovation. Il faudrait que je reprenne les vagues notes qui ont servi de base à mon intervention pour en faire un article rédigé et construit, mais j’avoue avoir un peu la flemme. je voudrais plutôt aborder l’une des tendances qui m’ont frappé lors des divers ateliers et débats auxquels j’ai pu prendre part – la mise en avant systématique des jeux de coopération et de collaboration.

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Quel enfant n’a pas joué au Verger, publié par Haba dans sa grosse boite jaune avec plein de jolis fruits en bois . Déjà présents depuis bien longtemps dans les jeux pour enfants, le jeu de coopération a sauté le pas il y a une petite dizaine d’années pour passer dans les jeux de société pour adultes. Reiner Knizia a ouvert la voie avec le Seigneur des Anneaux, d’autres ont suivi, avec notamment Les Chevaliers de la Table Ronde ou Pandémie. Moi même, qui ne suis pas un fan du genre, ait commis le faussement politiquement correct Terra et le très peu politiquement correct Sauvez le Kursk Novembre Rouge.

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Nous sommes véritablement dans le “politiquement correct”. Le jeu de coopération – et ce n’est pas par hasard que l’on préfère ce mot à celui de collaboration – est particulièrement bien vu dans deux milieux qui se recoupent assez largement, et dans lesquels je me reconnais d’ailleurs largement, les écologistes et autres anti-capitalistes un peu bobo, et les profs de gauche. Il y a à cela des raisons d’ordre moral et éthique, voire simplement esthétique, relevant de la non-violence, comme si un jeu de compétition était réellement violent. Il y a surtout des motifs politiques et économiques sur lesquels je voudrais m’attarder car ils me semblent découler assez largement d’une erreur d’analyse. L’idée, en gros, serait que le vilain capitalisme mondial est le monde de la compétition sauvage, représenté par les jeux traditionnels, auquel nous devrions opposer le monde de la gentille collaboration pour bâtir un avenir meilleur et un développement durable, illustré par les jeux coopératifs. Si je suis bien d’accord pour dire que l’on ne bâtira sans doute pas un monde meilleur à coups de fusils d’assaut et d’épées à deux mains, je pense que l’analyse du capitalisme contemporain comme un univers de pure compétition est largement, et parfois délibérément, trompeuse. Les grandes multinationales qui emploient le jeu lors de leurs formations internes utilisent aussi beaucoup les jeux de coopération pour encourager le “travail d’équipe” très productif, les “synergies”, l'”émulation”, la “culture d’entreprise” toujours hypocrite et toutes ces sortes de foutaises. Comme l’avait vu Marx, le capitalisme met bien les prolétaires en compétition les uns avec les autres, et l’aggravation récente de cette tendance remet peut-être dans l’actualité les analyses en termes de paupérisation du prolétariat.  Mais, comme l’avait vu Schumpeter, dont tous ceux qui ne connaissent que le thuriféraire de l’entrepreneur innovateur oublient qu’il se revendiquait socialiste, le capitalisme moderne n’est pas seulement l’univers de la concurrence, c’est aussi celui de la connivence – des arrangements, de la combinazione diraient nos amis italiens, pas toujours non-violents. Et puis, pour changer le monde, il y a aussi des moments où il faut se révolter et se battre. Faire du jeu de compétition la métaphore de la guerre et de la concurrence sauvage et du jeu de coopération celle de la paix dans le monde et du développement durable est une gentille mais monumentale erreur d’analyse.

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Certes, me répondront les gentils éducateurs, mais du moins les jeux de coopération permettent-ils d’encourager la discussion, le débat, la construction collective d’une stratégie plutôt que le chacun pour soi. Ce sont d’ailleurs des jeux où tout le monde gagne (ou perd) – contre le vilain corbeau noir ou l’œil de Sauron – et ou aucun perdant ne se sent personnellement humilié. Je leur rappellerai d’abord que, sauf cas pathologiques, le perdant d’un jeu de compétition n’a aucune raison de se sentir humilié, ni le vainqueur de se sentir fier puisque, par définition, ce n’est qu’un jeu. Dans un jeu, si l’on cherche toujours à gagner, on se moque bien au fond, ensuite, de savoir qui a gagné. Ce qui se passe dans bien des jeux de coopération est plus problématique – il n’y a ni vainqueur, ni vaincu, mais il y a souvent un leader, un guide (j’arrête les traductions avant d’atteindre le point Godwin).  Les vrais jeux de coopération, et notamment ceux destinés aux plus jeunes comme Le Verger, sont en fait souvent des jeux pour un seul joueur, avec une stratégie optimale. Parfois, des joueurs d’âge, d’intérêt et de capacités équivalents vont débattre pour s’adapter aux circonstances et découvrir cette stratégie optimale mais, bien souvent, l’un d’entre eux va prendre le leadership, expliquer ce qu’il faut faire, pourquoi il vaut mieux que le corbeau mange des prunes s’il reste plus de prunes, et l’initiation à la collaboration devient entrainement au leadership et à la soumission.

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Certes,  des jeux tentent de contourner ce problème. Pour les plus jeunes, des jeux de construction ou d’adresse – je pense par exemple à Burgritter – obligent les joueurs à effectuer des actions à plusieurs. Dans les jeux pour adultes, l’introduction d’un possible traître, comme dans les Chevaliers de la Table Ronde ou Battlestar Galactica introduit la suspicion et empêche la franche discussion collaborative. Je trouve personnellement que cela donne à ces jeux une dimension psychologique très intéressante, mais je ne suis pas certain que la délation et la chasse au mouton noir soient précisément ce que les naïfs pédagogues vantant les jeux de coopération cherchent à encourager. Ça n’empêche pas toutes les colonies de vacances de jouer aux Loups Garous de Thiercelieux, et c’est tant mieux. On peut aussi, et c’est le choix d’Antoine Bauza dans Hanabi, qui fait beaucoup parler de lui en ce moment, interdire toute communication entre les joueurs – mais là, c’est le débat collaboratif qui en prend un coup. Et je ne parle pas de Space Cadets, ou chacun fait son petit jeu dans son coin – même si ça a l’air d’être un jeu diablement amusant.

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Restent les jeux par équipe – un genre que j’aime assez pratiquer mais avec lequel je suis suffisamment mal à l’aise pour ne m’y être jamais vraiment essayé comme créateur. Dans un jeu par équipe – et c’est notamment vrai dans le sport – il y a à la fois de la collaboration, entre partenaires, et de la compétition, avec les autres. C’est sans doute pour cela que les sports d’équipe sont si fréquemment utilisés et mis en scène à l’école, mais eux aussi produisent des leaders et, surtout, créent un univers de jeu divisé en deux camps – pas du tout politiquement correct, ça!

Alors quoi ? Alors, sans doute, faut-il accepter une bonne fois pour toutes que l’on s’en moque, qu’un jeu n’est fait et ne peut être fait ni pour enseigner la compétition, ni pour apprendre la collaboration, mais simplement pour divertir les joueurs, et que l’on peut se divertir très innocemment l’un contre l’autre ou l’un avec l’autre tant que, justement, on ne pense pas être là pour apprendre quoi que ce soit.


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A dozen days ago, i hold a conference at a very serious international symposium on games and education. I mostly expressed my wariness with the recent fashion in educative games, including the computer strangely called “serious games” all of which are never really considered games by students and focus on analytic and strategic thinking, which are already far too present in school, and largely discard as irrelevant any form of critical thinking. Like powerpoints, games tend to limit teachers’ improvisation and therefore innovation in learning, in the very name of innovation. I should take the bunch of notes I used in my speech and write a consistent article out of them, but i’m a bit lazy about it and would rather discuss one of the emphasis I noticed there – the emphasis on cooperative and collaborative gaming.

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Cooperative children games have been popular for years. Every kid in Europe has played The Orchard, a basic and mostly luck driven cooperative published by Haba with lavish wooden bits. Many AMerican kids have plyed one of the – usually bad – Family Pastimes boardgames. Cooperative boardgames entered adult boardgaming with Reiner Knizia’s Lord of the Rings, and many authors followed suit with, among others, shadows over Camelot or Pandemic. Even when I’ve never been very dedicated to the genre, I designed two, the superficially and falsely politically correct Terra and the totally unpolitically correct Save the Kursk Red November.

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Cooperative games are the epitome of liberal political correctness. They are very popular in two circles to which I undoubtedly belong, ecologists and similar anti-capitalists and leftist teachers – and calling them cooperative games rather than collaborative games is, especially in Europe, not a neutral choice. There are moral and ethical, if not simply esthetic, reasons to this – cooperative game looks like a non violent sort of gaming, as if competitive games were really violent. There are mostly political and economical reasons which, i think, derive from a popular but erroneous analysis. Broadly speaking, the idea is that the evil world capitalism is the world of fierce competition, and is represented in competitive games, and that we ought to oppose to it the world of friendly cooperation and sustainable development embedded in collaborative games. While I agree that chainsaws and two-handed swords might not be the  best fitted tools to build a better tomorrow, i also think that the prevalent analysis of contemporary capitalism as a world of pure competition, as in Mankiw’s catechism, is largely and may be deliberately misleading. Global corporations also make a heavy use of cooperative games – though they prefer to talk of collaborative gaming –  to promote “team spirit” and enforce “corporate culture” and other similar bullshit. As Marx has rightly observed, capitalists tend to create competition between workers, and the recent globalization might be reviving his analysis about the gradual impoverishment of the working class. Schumpeter is often quoted nowadays as the champion of small capitalist innovators, while we forget that he was also a self proclaimed socialist and champion of state monopolies, and he was also right in describing modern capitalism as the world not only of competition, but also of arrangements, cartels, connivence – combinazione, to use the italian world, not necessarily associated with non violence. Furthermore, revolt might be necessary to change things, and can’t be always non-violent. Stating that competitive gaming is a metaphor of war or savage capitalism, and cooperative games a tool for peace in the world and sustainable development is a cute idea but a major error in reasoning.

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Of course, nice and well meaning teachers might answer that, at least, collaborative games teach discussion, debate, and the collective building of a strategy rather than the usual every man for himself. Since everyone wins, or sometimes loses, against the dark raven or the evil eye of Sauron, no individual loser can feel humiliated, no individual winner can feel particularly proud of himself. Well, a common characteristic of all games is that they are just games and that winning and losing, while being fundamental when playing, doesn’t matter anymore once the game is over. What happens with many cooperative games is more problematic – there’s no winner or loser, but there’s often a leader, a guide (let’s stop with translations before we reach the Godwin point) who takes all the real decisions for all players. True cooperative games,  and especially those aimed at younger players like the ubiquitous Orchard, are in fact single player games with an optimal strategy. Players of the same age, energy and abilities might collaborate to find this strategy, but most times one will seize the leadership, explain why it’s better to have the raven eat plums when there are mostly plums left, and what was designed as a tool for learning collaboration becomes a tool for learning leadership and submission.

Of course, there are technical ways to avoid the leadership issue. Some children games, like the building game Burgritter, require gamers to really act as a team when fulfilling some tasks. In adult games, the introduction of a possible traitor, like in Shadows over Camelot or Battlestar Galactica, creates strong suspicion and prevents totally open discussion. I think it brings a very interesting psychological dimension to these games, but I’m not sure denunciation and hunt for the black sheep are exactly what leftist educators want to teach. Anyway, this doesn’t prevent most summer camps to play werewolf, and that’s for the best. One can also, like Antoine Bauza did in Hanabi, forbid any communication between players – so much for collaborative debate. And I don’t talk of Space Cadets, in which each player plays his own little solo game – even when it seems to be a pretty fun game.

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Team games are a genre of their own. I like playing them, but I’ve never really known how to design them. In a team game – including most sports – there’s both collaboration between partners and competition against the opposing team. That’s probably why sports are so regularly used at school – though I used to hate them as a student. The problem is that they also encourage leadership, and create a game world divided in two sides – not very politically correct either.

So what ? Let’s agree that we don’t really care, that a game is never designed to teach competition or collaboration but just to give the players some fun or excitement, and that it’s perfectly well to play one against the other or one with the other, as long as it’s just a game and nobody thinks he’s learning anything.

12 thoughts on “Jeux de coopération et de compétition, un paradoxe politique
Cooperative and competitive games, a political paradox

  1. Merci Bruno, tout à fait d’accord avec ce post. je travaille dans un café jeu en Drôme dans la Biovallée. j’ai eu plein de représentation à déconstruire autour du jeu coopératif. Je rajouterai que dans ces jeux coopératifs le tour du joueur est parfois oublié, voir passer sous silence pour le bien du jeu. Alors que dans les jeu plus classique on fait généralement attention au tour de jeu de tous les joueurs. Le jeu coopératif doit être utiliser avec des pincettes…

  2. Bonjour,

    Je suis moi même un vil sympathisant de droite (et capitaliste — oh mon dieu–) mais je suis plutôt d’accord avec l’article en rajoutant qu’il y a certains jeux qui sont des mix entre compétition et coopération; prenons Risk par exemple qui pousse à, si l’on souhaite gagner, à collaborer. Un jeu collaboratif en équipe est, je pense, un bon mix des deux systèmes (compétition/collaboration).

  3. Hi, I really enjoyed your post.
    A lot of money has been spent creating “learning games”, but they haven’t been too successful, coming to think about it, kids are faced with a school teacher, in a school class, in front of a “school game”.

    Especially touché here “Like powerpoints, games tend to limit teachers improvisation and therefore innovation in learning, in the very name of innovation.”.

  4. je suis content de lire cet article…le jeu est aussi l’enjeu de projections sociales, qui font souvent passer malheureusement le reste au second plan. Moi aussi j’évolue dans le meme milieu educato-boboesque (comme beaucoup quand il s’agit de la chose ludique) et je suis souvent dans cette cette situation.

    Outre le probleme du coopération/compétitif, il y a dans les MJC, le “topic” des “jeux en bois” et autres “jeux du monde”, catégorie survalorisée et qui ne renvoie tres souvent a rien d’autre qu’a des représentations classiques (même si l’awaleée, c’est super). C’est bien parceque c’est en bois, et c’est fait par des artisans du Kamtchka.

    Je ne parle même pas de mon ratelier de pistolasers, réuni avec amour, que je n’ai reussi a caser dans une activité de MJC que récemment, apres plus de deux ans…(idem pour tout ce qui est “manga” est également “trop capitaliste/violent”)

    Dans le genre, il y a aussi le probleme “top down” des politiques publiques. Du genre, dans les MJC/CDL, toutes les demandes d’intervention doivent tourner autour de “l’alimentation équilibrée” ou “la protection de l’environnement”. C’est tomate, et tomate bio. Adieu espace infinis, armées de sequelettes, et rigolades gratuites.

    Le plus marrant, c’est qu’un jeu comme Terra (que j’adore) est un vrai loup dans la bergerie/bobotude (c’est aussi pour ça que…)

    Quand on bosse la dedans, c’est quand meme assez désolant ce “mur des representations”, alors qu’il suffit de comprendre que le jeu a une valeur/potentiel éducatif intrinsèque (se réunir, se confronter a une regle, lire, réfléchir, etc…)

  5. Tout à fait d’accord avec toi Bruno et heureux de lire ça car c’est quelque chose qui, me semble t-il, devait être dit un jour ! Le cliché “jeux de compétition = vils encouragements à la mentalité capitaliste destructrice etc.” est vraiment un préjugé lamentable. L’infâme libéral que je suis encourage tout le monde à ne pas perdre de vue que ce que l’on critique dans le libéralisme: la compétition à outrance, le chacun pour soi, les privilèges de classe etc. sont des dérives du système induites par la recherche de monopoles, antithèse du libéralisme économique. Le système capitaliste doit créer les conditions d’une concurrence “parfaite” (pour autant que la perfection existe), or les individus n’ont de cesse de vouloir fausser cette concurrence (monopoles, cartels, ententes, délits d’initiés, lobbying aggressif etc.) et c’est ça qui crée les inégalités au lieu de répandre la prospérité au plus grand nombre. Le préjugé “pro-jeux de coopération” fait en effet usage des mêmes clichés.

    • Le capitalisme vise à l’accumulation de capital, et tend donc naturellement au monopole et l’élimination de la concurrence — la concurrence conduisant à la péréquation du taux de profit.
      Même pas besoin d’avoir lu Marx pour entendre ça.
      L’accumulation de capital réclame de l’inégalité et en produit toujours davantage. C’est un peu le fonctionnement de la pompe à chaleur appliqué à l’argent. Le capitalisme pompe de l’argent dans le milieu ambiant (les pauvres) pour le concentrer dans les coffres de quelques-uns (les riches).
      Pour la part, je pense qu’on peut mieux faire, et en attendant des jours meilleurs, je joue, je coopère et je me garde de collaborer.

  6. Bonjour Bruno,
    analyse très plaisante à lire, je voudrai néanmoins revenir sur ceci : “ni le vainqueur de se sentir fier puisque, par définition, ce n’est qu’un jeu. Dans un jeu, si l’on cherche toujours à gagner, on se moque bien au fond, ensuite, de savoir qui a gagné”. Si ceci fut bien une tendance passée, j’ai le sentiment que c’est de moins en moins le cas dans les nouvelles pratiques d’observations réalisées en clubs et en ludothèques. De plus en plus d’exclamations se font entendre en fin de partie reflètant la fierté du vainqueur et sa volonté re reconnaissance de son statut alors même que les formats de partie sont de plus en plus courts et demandant de moins en moins d’investissement. En témoigne aussi le nombre croissant de tournois qui se mettent en place là où avant ces manifestations portaient le nom de rencontre initiatiques.
    Affaire à suivre…

  7. Merci pour cet article très intéressant.
    Je me permet de te faire part de ma réflexion d’enseignant du primaire qui utilise “d’instinct” beaucoup le jeu en classe.
    La première raison pour laquelle j’initie mes élèves aux jeux de société est pour leur éducation sociale, et pour cela je ne leur propose surtout pas de jeux de coopération, le but étant d’apprendre à perdre (c’est à dire d’avoir malgré tout envie de rejouer, voire de trouver la victoire adverse intéressante en se demandant comment il a fait), mais surtout d’apprendre l’humilité du vainqueur (qui ne l’est que provisoirement). Il adorent “s’entretuer” dans “the island”, se piquer les camions dans “Zooloretto”, et la rancœur est un phénomène rarissime(j’ai peur que les adultes ne transposent leur troubles sociaux sur nos chers bambins qui, eux, sont récupérables).
    La deuxième raison , c’est d’augmenter leur compétences opératoires de manière ludique car, par expérience, il seront meilleurs en compréhension de l’implicite des textes, en calcul mental, en résolution de problèmes, il anticiperont mieux les demandes de l’ensignant…
    Cela me permet aussi de travailler le cadre des règles et le fait de les accepter pour qu’une activité puisse fonctionner.
    Un foule d’autres bonnes raisons me viennent et me viendront encore, mais ce sont ici les principales.
    Encore merci de vous pencher tous sur cette question qui me tient à coeur.
    tifouch

  8. “Dans un jeu par équipe – et c’est notamment vrai dans le sport”.
    Je suis d’accord avec l’analyse globale de l’article, par contre, je ne pense pas que l’on puisse dire que le sport est un jeu. Le but premier du jeu étant de prendre du plaisir (et non pas d’apprendre comme certains le souhaiteraient). Le but du sport est aujourd’hui beaucoup plus complexe (n’étant pas le sujet principal je ne développerai pas trop).

    Mais finalement le fait que les jeux coopératifs actuels -dans leur grande majorité- ne soient principalement basés que l’affirmation du leadership d’un joueur, n’est-ce pas le reflet du fonctionnement réel de ce qui est appelé coopération (collaboration pour les plus honnêtes) dans les entreprises ou les associations?…

  9. Je ne suis pas d’accord sur un certain nombre de points.
    En premier lieu, opposer jeux de coopération et jeux de compétition, c’est introduire déjà de l’idéologie là où il n’en y a pas forcément. Dans un jeu de coopération, il y a bel et bien compétition, mais compétition contre le jeu, en d’autres termes contre l’inventeur du jeu et créateur de la règle. Ensuite un jeu de coopération n’est pas forcément non-violent.
    La plupart de ceux que je pratique reposent sur un thème violent, que ce soit l’excellentissime Terra Galactix (anéantissement de la Terre par les gentils Martiens), les palpitants 3 Mousquetaires ou Mousquetaires du Roy (anéantissement des gardes du cardinal) ou les très soporifiques Chevaliers de la Table Ronde (ou l’on pourfend du dragon, certes, mais aussi de l’Angle et du Saxon). Rien de bien tranquille, donc, là-dedans. Alors que la grosse majorité des jeux “classiques” que je possède sont essentiellement pacifiques. Je ne parle même pas des exercices pour experts comptables dont raffolent nos voisins germains, mais de jeux comme À la carte, par exemple, ou le très classique Cluedo, ou Carcassonne, et tant d’autres.
    Je relève une certaine mode, en ce moment, consistant à décrier le mode coopératif, à montrer du doigt les naïfs écologistes, à se gausser des intellectuels appauvris en quête d’un mode de vie plus rationnel et plus économique, rapidement étiquetés “bobos”.
    Cette mode me fait rire.
    J’ai animé pendant près de six ans un club de jeux au sein d’une école à pédagogie nouvelle (autre motif ordinaire de ricanement) : je puis témoigner que les jeux préférés des enfants étaient justement les quelques jeux de coopération ou semi-coopération que nous possédions : Terra Galactix, Les 3 Mousquetaires, Inspecteur Lamalice, et les jeux par équipes — avec en tête Korsar de Knizia, et ce pour une raison très simple : Korsar permet de rassembler jusqu’à 4 équipes de 2 joueurs placés côte et à côte et libres de communiquer entre eux, et donc de mêler des joueurs de force et d’âge très différents.

  10. Pas d’accord avec vous Paul mais je ne serais pas long car on devient hors sujet ici. L’analyse que vous livrez est en effet une analyse marxiste. Celui-ci critiquait – à juste titre – ces dérives du système qui fait qu’on peut en effet parler non plus de libéralisme mais de capitalisme: si le capitalisme vise à l’accumulation de capital, le libéralisme, dans le sens d’Adam Smith, vise lui à la libération (et non la libéralisation, n’oublions pas qu’on est fin du XVIII° s. toujours sous l’Ancien Régime) des facteurs économiques.

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