Jouer à Téhéran
Boardgaming in Tehran

Des joueurs iraniens jouant à Dej, la version locale de Citadelles, dans un café jeu de Téhéran
Iranian gamers playing Dej, the local edition of Citadels, in a Tehran game café.

Je rentre d’une semaine à Téhéran, à l’invitation de mon éditeur local, Houpaa. Le voyage a été intéressant et instructif.

There are ways…

L’Iran est un pays qui intrigue, et que l’on imagine plutôt fermé et traditionnel. Je n’y suis resté qu’une semaine, je ne suis pas vraiment sorti de Téhéran, mes impressions doivent sans doute beaucoup au petit groupe que j’ai fréquenté, des jeunes intellectuels de la capitale, mais je l’ai trouvé à l’inverse moderne, ouvert et accueillant.
Téhéran est une ville monstre, 15 millions d’habitants répartis sur 20 kilomètres de long, les pauvres au sud, les classes moyennes au centre, les riches au nord, sur les collines. Les larges avenues sont perpétuellement embouteillées et, sous un soleil de plomb, la conduite s’y apparente à un jeu video violent dans lequel on ne sait jamais vraiment qui est allié ou ennemi.

La vue depuis ma chanbre d’hôtel 
View from my hotel room

La vie sociale m’y a rappelé l’Europe de l’Est peu avant la chute du communisme. Le totalitarisme soft y tourne parfois à l’absurde, le boardgamegeek étant bloqué mais pas le site du New York Times. Le régime religieux n’a guère de problèmes avec l’incroyance de la jeunesse et accepte clairement de ne pas être pris très au sérieux dans la vie quotidienne, mais pas d’être ouvertement contesté. On vit moins dans l’hypocrisie que dans la distanciation, avec humour et légèreté. Pas d’alcool mais « there are ways », ways que je n’ai cependant pas cherché à explorer car je m’étais dit qu’une semaine sèche me ferait du bien. Pas d’accès à Facebook ou Twitter mais « there are ways », et on m’aurait peut-être répondu la même chose si j’avais parlé de Tinder. Les femmes vivent le foulard obligatoire comme une humiliation, mais « there are ways » pour respecter la règle tout en s’en moquant.

Téhéran la nuit – la place Tajrish, dans le nord de la ville
Tehran by night, Tajrish square, in the nothern part of the city.

Si le pouvoir religieux n’est clairement pas très populaire parmi les quelques personnes avec qui j’ai pu discuter, Donald Trump l’est moins encore et personne ne comprend la logique de sanctions économiques qui, par réflexe obsidional, ne peuvent que renforcer le régime qu’elles sont censées combattre.
Malgré la situation un peu particulière de l’Iran sur la scène internationale, Téhéran fait tout pour être une ville « normale » et animée. J’étais en Iran dans une période de relative tension avec les États-Unis et la Grande-Bretagne, mais je n’en aurais rien su si je n’avais pas, de retour le soir à mon hôtel, parcouru rapidement les sites du Monde et du New York Times. Personne n’y semble vraiment croire à la possibilité d’une guerre. Les iraniens que j’ai rencontrés sont certains que leur gouvernement bluffe, et pensent qu’il en va de même pour Donald Trump, ce dont j’aimerais être aussi sûr.

Le bazar de Tajrish
Tajrish bazar

Jouer en Iran

L’Iran est le seul pays du Moyen-Orient dans lequel s’est développé un véritable intérêt pour les jeux de société modernes, et même une petite scène ludique, avec des joueurs, des auteurs, des éditeurs, des sites web comme Roomizgames, des blogs, des podcasts. Rien de tel dans les pays arabes, ni même en Turquie, ou en tout cas à une échelle bien moindre. J’ai toute une séries d’idées pour expliquer cela, mobilisant culture, histoire et géopolitique, mais pas vraiment le temps de les détailler ici.
L’effondrement récent du rial iranien fait que les ventes de jeux importés sont assez modestes, limitées à la bourgeoisie des grandes villes – j’ai quand même vu dans une boutique une boite de Scythe pour un prix représentant environ les deux-tiers du salaire moyen. On trouve en revanche, pour dix ou vingt fois moins cher que les jeux en anglais importés, quelques créations d’auteurs iraniens et des éditions locales de jeux occidentaux. Ces versions en persan sont certes encore parfois des copies non autorisées, mais le phénomène est en perte de vitesse. Selon un schéma que l’on a déjà vu dans d’autres pays émergents, les éditeurs iraniens cherchent de plus en plus à travailler légalement et à s’intégrer au petit monde ludique mondial. Reste bien sûr le cas des américains qui ne peuvent vendre de licence à des iraniens et risquent donc d’être copiés un peu plus longtemps que les autres. Outre les jeux de stratégie abstraits, dont la gamme Gigamic largement disponible ici, les jeux de bluff ou d’identité secrètes sont les plus populaires. Dej, édition locale et tout à fait autorisée de de mon Citadelles, magnifiquement illustrée par Hassan Nozadian, vient d’être retiré à 5000 exemplaires après qu’un premier tirage de 8000 a été rapidement vendu, des chiffres dont se satisferaient bien des éditeurs français.

Café Board was my operation center in Tehran.
Le Café Board était mon quartier général à Téhéran.

Il y a surtout, dans les grandes villes, une centaine de café jeux, qui font aussi boutique. Le public y est jeune, mixte et éduqué, passablement occidentalisé – j’ai croisé quelques belles silhouettes de hipsters – et l’ambiance est la même que dans les cafés jeux de Paris ou de Tokyo (quelques adresses à Téhéran ici). On y joue toute la journée, on y sert du thé et du café et, surtout, les délicieux sirops glacés plein de graines bizarres que l’on boit partout ici. J’ai passé une après-midi dans le plus ancien d’entre eux, le Café Board, où les joueurs jouaient à Wingspan, Splendor, Cash’n’Guns, Chinatown, Dixit, Codenames ou bien sûr Dej. J’en ai profité pour faire tourner quelques uns de mes prototypes.

Le pot de sortie de Korobar, avec toute l’équipe de Houpaa
Presenting Korobar, with the whole Hoopa team

Houpaa, ou Hoopa, la société d’Alireza Lolagar, qui m’avait invité, est le principal éditeur de jeux de société iranien. Houpaa publie de la littérature pour enfants, des jeux familiaux, et s’est lancé avec Dej dans les jeu de société plus adultes. Mon passage à Téhéran a été l’occasion pour Houpaa de présenter sa dernière nouveauté, Korobar, la traduction de mon Venture Angels. J’ai passé pas mal de temps dans leurs bureaux du centre-ville, montrant quelques uns de mes prototypes ou jeux récemment publiés.

Un autre éditeur, Roomiz games, publie dans quelques semaines une version couleur locale de l’un de mes jeux de cartes préférés, Condottiere, de Dominique Ehrhard.

Créations locales

Dorehami games, publie bientôt un jeu d’identités secrètes assez original, Deux Khans. Reality game, publie Zaar, un ambitieux jeu d’horreur basé sur des légendes locales avec démons, exorcismes et tout ça. Tous deux partageront avec Houpaa un stand iranien au prochain salon d’Essen.
(Note: Twitter, Facebook et telegram étant plus ou moins bloqués ici, Instragram sert à tout. c’est pour cela que je mets beaucoup de liens instagram.)

J’essaie le prototype d’un auteur iranien chez Houpa games.
Playing an Iranian designer’s prototype at Hoopa.

Le petit monde du jeu de société iranien, une demi-douzaine d’éditeurs, une vingtaine d’auteurs et quelques illustrateurs, compte bien en effet ne pas se limiter à produire pour le marché local. De premières créations originales, dont m’a-t-il semblé pas mal de jeux à identités secrètes, ont été publiées en Iran. Rien ne s’oppose à ce qu’elles parviennent en Europe, et j’espère que rien ne s’opposera bientôt à ce qu’elles atteignent les États-Unis.
Tous ici m’ont tous cité les exemples du Japon et de la Corée du sud qui, partis de presque rien, sont devenus en quelques années tout à la fois des marchés importants et des lieux de création ludique originale.

Zaar

Toute la journée du samedi, j’ai animé un atelier de création avec une vingtaine de jeunes auteurs iraniens, talentueux, passionnés, et très curieux d’apprendre quelques « trucs » d’un vieil auteur comme moi. C’est un exercice auquel je me suis déjà livré quelques fois en Europe, et ce n’était en rien différent ici.

Un chat sauvage de Téhéran
Tehran wild cat

Le rêve de beaucoup est de placer un jeu en occident, et certains envisagent même le voyage à Essen. Pour avoir plus de chances de se faire remarquer des éditeurs européens, je suggérai de jouer l’exotisme et de partir d’un thème typiquement persan. Je proposai les chats, qui me semblent être les véritables maîtres de Téhéran, et m’attendais un peu aux tapis, d’autant que j’avais déjà quelques jours auparavant joué à un prototype sur ce thème.

Je me suis retrouvé avec, sur les six jeux proposés, deux sur le thème du Taarof, les règles de politesse iraniennes, qui valent bien les japonaises. Le jeu qui m’a semblé le plus original et le plus intéressant, mais qui était loin d’être abouti, porte sur le Qanât, ancien système d’irrigation amenant l’eau souterraine dans les villages, qui a donné le français canal.

Game design Workshop

Il y avait là des auteurs talentueux, qui ont la même culture ludique que ceux que j’ai pu croiser lors d’ateliers similaires en Europe. Après l’Europe de l’Est, puis le Japon, puis la Corée, puis peut-être la Chine, je ne serais donc guère étonné que les iraniens ne soient, dans les années qui viennent, les prochains à apporter un peu d’air frais, pourtant bien rare à Téhéran, dans la création ludique. Ce qu’il manque sans doute en Iran, c’est une convention de jeu de société, un salon, qui pourrait être un moyen de faire découvrir la scène ludique locale aux acteurs étrangers.

Je termine ce compte rendu dans l’aéroport d’Istanbul, en attendant ma correspondance pour Paris. Je reviens d’un pays sympathique, accueillant, mais surtout, contrairement à ce que l’on imagine souvent en occident, d’un pays moderne et « normal ». Je l’ai déjà dit au début de cet article, mais je le répète ici parce que c’est le message que tous les iraniens que j’ai croisés m’ont demandé de faire passer. C’est vrai en matière de jeu, mais c’est surtout vrai en général.


Un café jeu à Téhéran 
A boardgame café in Tehran

I’m just back from one week in Tehran, where I was invited by my local publisher, Houpaa games. It was an interesting and enlightening travel.

There are ways…

Iran is an intriguing country. The idea most western people have of it is of a traditional, closed and rather restrained society. I stayed there only one week, I didn’t really leave Tehran, and my impressions of Iran are certainly informed by the people I was hanging out with, young intellectuals from the capital. These are strong caveats, but Teheran gave me the opposite impression, that of a modern, hospitable and very open city.
Teheran is a monstrous city, 15 millions inhabitants, the poor ones in the south, the middle class in the center, the rich in the north, on the hills. Despite large avenues, traffic jams never really recede and, under a blazing sun, driving feels like a violent video game where one never knows who is friend or foe.

Tehran by night : Street food
Téhéran la nuit : street food

In some ways, the social life reminded me of Eastern Europe a few years before the fall of the Berlin Wall. Totalitarianism has become soft and feels a bit absurd  – the boardgamegeek website is blocked but the New York Times isn’t. The religious regime has no real problem with young people not being religious at all and not following the rules in their daily life, as long as it can keep up appearances and there’s no open contestation. The result is not hypocrisy but light hearted, often humorous, distanciation. There’s no alcohol but “there are ways”, ways I didn’t take the time to explore because I decided a dry week could do me good. There’s no Facebook or Twitter but “there are ways”, and I wonder if I would have had the same answer about Tinder. Women resent the compulsory scarf, but “there are ways” to simultaneously respect the rules and mock them.

Tehran parks are really enjoyable. I forgot to take a picture of old men playing dominoes.
Les parcs de Téhéran sont très agréables. J’ai oublié de prendre une photo de petits vieux jouant aux dominos.

While the religious regime is clearly unpopular among the educated people I spoke with, Donald Trump is even more since no one here understands the logic of economic sanctions which generate an obsidional reflex and thus foster the regime they are supposed to fight.
Despite the very specific situation of Iran on the international scene, Tehran tries very hard, and quite successfully, to be a normal and lively city. I was there in a time of great tension with the US and Great-Britain, but I would not have noticed it if I had not, when back at my hotel at night, browsed the Le Monde and New-York Times websites. No one there, however, seems to believe in a war. The Iranians I talked with are certain their government is bluffing and think it’s the same with Donald Trump – I wish I was as confident.

Tajrish Bazar.

Boardgaming in Iran

Iran is the only country in the Middle-East where modern boardgames got a real following. There’s even a small but striving gaming scene, with players but also designers, publishers, websites like Roomizgames, blogs and podcasts. There’s nothing like this in the Arab world, or even in Turkey. I’m thinking of a few explanations using culture, history and geopolitics, but I don’t have the time to develop them here.

Due to the recent fall of the Iranian rial, imported games are unaffordable for anyone except the big cities bourgeoisie – but I checked in a shop a copy of Scythe, at a price of two-thirds of the average monthly wages. There are, however, a few games by Iranian designers and several localizations of western games. These persian language versions are sometimes unauthorized copies, but this is less and less the case. Just as it happened before in a few other emerging countries, Iranian publishers are more and more trying to do things legally and to enter the  global boardgaming world. Of course, US publishers, who are forbidden to license their games in Iran, might keep getting copied a bit longer.

With Hassan Nozadian, left, illustrator of Dej, and Alireza Lolagar, right, the publisher.
Avec Hassan Nozadian, illustrateur de Dej, et Alireza Lolagar, l’éditeur.


Aside from abstract two players games, like the Gigamic line which can be found everywhere, bluffing and hidden identity games are clearly the most popular. Dej, the perfectly legal and authorized persian version of my Citadels has quickly sold a first 8.000 copies print run, and a second print run of 5000 copies just hit the shelves. I know many western publishers who would be happy with such numbers.

Last but not least, there are about 100 boardgame cafés, usually also selling games, in the big cities of Iran (a dozen adresses in Tehran). The regulars are mostly young and educated people of both sexes, many of them quite westernized. I spotted a few true hipster silhouettes, and the mood is not different from that of boardgame cafés in Paris or Tokyo. People play all day long, drinking tea, coffee and strange syrups full of strange seeds. I’ve spent a full afternoon in the oldest one, the Café Board. Gamers were playing Wingspan, Splendor, Cash & Guns, Chinatown, Dixit, Codenames and, of course, Dej. I seized the opportunity to playtest a few of my prototypes.

I was invited by Houpaa, or Hoopa, the biggest Iranian game publisher, and its head Alireza Lolagar. Houpaa publishes mostly children books and family games, and Dej was their first try at more adult games. My stay in Tehran gave an opportunity to launch Korobar, the persian translation of my Venture Angels. I spent some time in their offices, in the center of Tehran, where I pitched them some of my last prototypes and games recently published in Europe. Another publisher, Roomiz games, will soon publish a “local style” version of one of my favorite card games, Dominique Ehrhard’s Condottiere.

akab, la version persane de Condottiere.
Rakab, persian take on Condottiere

Iranian design

Another Iranian publisher, Dorehami games, showed me an interesting and original hidden identity game, Two Khans. Another one, Reality Game, publishes Zaar, an ambitious locally designed persian horror game based on old persian legends about demons and exorcism, with impressive components. They will share with Houpaa an iranian booth at the next Essen fair.
(Note : Twitter, Facebook and Telegram being more or less blocked here, Instagram is used for everything, that’s why there are many instagram links in this post).

Zaar

The very small Iranian boardgaming world, five or six publishers, a two dozen game designers and a few illustrators, now aims at more than the local market. Several Iranian designed games have already been published there, many of them hidden identity games. There’s no reason why they could not arrive in Europe, but reaching the United States might prove difficult (hint for my American friends : if you want to help, just get rid of Trump in 2020). People here regularly told me they wanted to emulate Japan and South Korea which, in a few years, have become both major markets and major sources for boardgames.

Trois jeux d’identités secrètes originaux.
   Three original secret identity games

On Saturday, I held a game design workshop with two dozens of young Iranian designers. They are talented, passionate, and eager to learn some tricks from a seasoned game designer. I had already held similar workshops in Europe and it was in no way different.

Tehran wild cat 
Un chat sauvage de Téhéran

Their dream is to get a game published in the west, and some of them are considering a trip to Essen. In order to be noticed by European publishers, I suggested they play the exotic card and I told them to start from a typically persian theme. I suggested cats, which I suspect are the true masters of Tehran, and was expecting carpets, since I had already been shown a persian carpets prototype. I got two games about Taarof, the persian politeness rules, which seem to be as sophisticated as the japanese ones. The most exciting project, ambitious but unfinished at the end of the day, was one about Qanat, the old irrigation system bringing water from underground wells, which gave the English word Canal.

ame design workshop – the Qanat team .
L’atelier de création, avec l’équipe “Qanat”

There were really talented designers there, with the same gaming culture as the ones I’ve met at similar meetings in Europe. After eastern Europeans, Japanese, Koreans, now may be Chinese, I would not be surprised if Iranians were the next ones to bring some fresh air in the boardgaming world – even when fresh air is quite rare in Teheran. What’s lacking also in Iran is a game convention, even modest in the beginning. It could be a way to show the Iranian boardgame scene to foreign designers and publishers.

I’m finishing to write this report in the Istanbul airport, waiting for my connecting flight to Paris. I’m back from a nice and hospitable country but, most of all, from a modern and “normal” country. I’ve already said this at the beginning of this post, but I repeat it here because many in the west don’t know this, and because it’s the message all the Iranians I’ve talked with have asked me to repeat again and again. It’s true with boardgames, but it’s also true in general.

Playing Dej with the Houpa team.
Une partie de Dej avec l’équipe de Houpaa

Une semaine à Essen
One week in Essen

Fatigué mais content, je reviens juste du salon du jeu de société d’Essen, en Allemagne, qui cette année avait encore eu la bonne idée de se dérouler pendant les vacances scolaires.


Mise en place des stands, tout le monde bosse.

Il y a chaque jour un train direct de Paris à Essen, pour un trajet de presque 5 heures. Cela laisse du temps pour sommeiller ou pour lire. Cette année, j’avais donc emporté un épais et sérieux volume, Europe’s India, de Sanjay Subrahmanyam, dont la lecture s’est avérée particulièrement appropriée.


Greedy Kingdoms

J’ai croisé, lors de mes recherches sur les licornes dans les textes de la Renaissance, beaucoup des premiers voyageurs européens en Orient, et notamment en Inde. J’en ai gardé une fascination non pour l’exotique mais pour l’exotisme, pour le regard étonné ou fantasmé de l’Occident sur l’Orient. Là où aussi bien Edward Said que ses contempteurs construisent des modèles, au premier rang desquels le paradigme orientaliste, cherchent des réponses, Sanjay Subrahmanyam, qui prend bien soin de ne guère utiliser le terme « orientalisme » reste près des sources et pose, avec pas mal d’humour, bien des questions. Son long dernier chapitre, India’s Europe, renverse les perspectives – tout comme le fait Greedy Kingdoms, le jeu de Hayato Kisaragi que j’ai retravaillé et qui était présenté sur le salon, et dont les illustrations montrent un Moyen-Âge européen tel qu’on l’imagine au Japon, amusant mélange sartorial et architectural. Du coup, je me suis un peu amusé à chercher d’autres exemples d’ « occidentalisme » sur les stands des éditeurs asiatiques et j’en ai trouvé suffisamment pour envisager de mettre un peu à jour, un de ces jours, mon petit essai sur l’exotisme ludique – en me demandant par exemple pourquoi l’archétype de l’exotisme européen semble être l’Allemagne pour les Japonais et l’Italie pour les Chinois.


Venture Angels avec l’équipe de Mandoo Games. Qu’est-ce que je suis grand !

J’ai donc beaucoup traîné dans le hall 4, clairement le plus « exotique », où se trouvaient la plupart des éditeurs taiwanais, coréens, indonésiens ou japonais. Si la plupart des stands chinois restaient ceux d’imprimeurs et de fabricants, quelques uns se lançaient aussi dans l’édition. J’ai aussi croisé dans les allées des éditeurs ou distributeurs malais, brésiliens, argentins, indiens, iraniens, thais et même, comble de l’exotisme, islandais. Ils étaient en exploration. L’an prochain, certains auront sans doute un stand et l’on commencera à voir arriver les auteurs, comme cela s’est passé pour les japonais et coréens.

Dej avec l’éditeur, Alireza, à droite, et un joueur heureux et persophone.

La globalisation du marché du jeu de société est donc en marche. J’avais un jeu qui sortait chez un éditeur coréen, Venture Angels, très vite épuisé sur le salon, et un autre chez un iranien, la version couleur locale de Citadelles, et deux rendez-vous pour discuter de futurs projets chez des japonais. Dans les paris sur la prochaine acquisition d’Asmodée, Russie et Corée avaient la côte la plus élevée. Et j’ai terminé le salon dimanche soir en signant un contrat pour ma première collaboration avec le jeune auteur coréen Yohan Goh.


Dragons avec le petit et sympathique distributeur allemand, Boardgamebox.

Entre séances de dédicaces de Dragons, Fist of Dragonstones, Venture Angels ou Greedy Kingdoms, discussion de projets déjà en route et présentation de prototypes aux éditeurs, j’avais un emploi du temps assez chargé. Un rendez-vous toutes les heures, parfois même le vendredi toutes les demi-heures, alors même qu’il fallait dix bonnes minutes pour aller d’un bout à l’autre du salon. Dimanche, une solide gueule de bois a encore compliqué les choses. Le stand de Matagot, l’éditeur de Dragons, me servait de base tactique, et celui de Iello tout proche, avec ses profonds fauteuils blancs, de zone de repos.


Le Petit Poucet présenté chez Asmodée. Je ne sais même pas où il était exactement, je ne l’ai pas vu.

J’avais dans mes valises quelques prototypes, dont certains ont suscité quelque intérêt, sans que je sache encore si cela débouchera sur un contrat. En fait, tous les éditeurs ou presque voulaient le même jeu, un party game rigolo et pas très politiquement correct. Yohan et moi avons finalement choisi celui qui semblait avoir les meilleures idées pour l’édition, a suggéré une nouvelle règle bien rigolote à laquelle nous n’avions pas pensé, et a proposé de signer le soir même. Je dois encore des excuses à l’équipe de Hobbyworld, à qui j’avais plus ou moins promis ce jeu lorsqu’ils y avaient joué à Moscou, mais ils ont bien compris pourquoi nous avons fait un autre choix.


Signature du contrat d’édition de Lifestyles, avec un éditeur qui préfère rester anonyme. C’est dimanche soir, nous sommes tous passés à l’eau minérale.

D’autres auteurs, comme Brett Gilbert et Arve Fühler, ont tweeté ou m’ont rapporté avoir aussi eu des propositions de contrat à signer sur place, ce qui n’est pas habituel. Après la globalisation, la deuxième nouveauté de ce salon est peut-être l’accélération. Il sort de plus en plus de jeux, et de plus en plus vite, comme si nul ne voulait prendre le risque de se faire doubler.
On peut y voir un indice de plus de ce que nous sommes dans une bulle, ce qui était sans doute la question la plus discutée du salon. Ceux qui, comme moi, le pensent depuis un certain temps mettaient en avant l’incroyable nombre de nouveautés présentées sur le salon, près de 1500, la floraison de petits éditeurs venus de nulle part profitant des nouvelles facilités de production que ce soit en petite ou en grande série, le désir de tous les joueurs de devenir auteur ou éditeur, l’idée que la popularité actuelle du jeu de société relève d’une mode passagère, et les premiers signes de retournement constatés, par exemple, sur Kickstarter. Ceux qui pensent que nos jeux ont encore de beaux jours devant eux insistaient sur la globalisation, les nouveaux marchés, les mécanismes innovants, la synthèse réel-virtuel, et l’idée que la popularité du jeu a des causes sociales sérieuses et durables. Qui vivra verra…

Bien sûr, vous attendez que je vous dise quel était le jeu qui faisait le buzz. Avec tant de monde, tant de jeux, tant de réseaux et de microcosmes, il est de plus en plus rare qu’un jeu unique emporte tout sur son passage et soit la grande vedette du salon. Je pourrais citer ceux dont j’ai souvent entendu dire du bien autour de moi, Treasure Island, Wangdo, Everdell, Detective Club, Orbis, Senators, Western Legends ou Cosmic Factory, ceux du classement Fairplay, qui place en tête Belratti, City of Rome, Lift Off, Coimbra et Neom, ou ceux du Geekbuzz de Boardgamegeek, Azul – Stained Glass of Sintra, Teotihuacan, Everdell, Coimbra, Chronicles of Crime, Blackout – Hong Kong. Comme vous le voyez, des listes bien différentes qui montrent que s’il y avait de l’avis général plein de bons voire très bons jeux, aucun n’a été la grande vedette du salon. Cela devient habituel, et c’est sans doute tant mieux.

Comme chaque année, il y a des gens qui étaient sans doute là et que je n’ai pas vus de la semaine et que je salue ici. Il y en a d’autres que je croisais partout, comme Martin Wallace, Stephen Buonocore, Ludovic Maublanc ou Liesbeth Bos. À l’année prochaine.


I’m just back from the Essen boardgame fair, in Germany. For the second consécutive year, it was taking place during my school holidays, which is very convenient. It was great, but I feel completely exhausted.


Setting up booth. Everybody is busy. No freeloader.

There is one direct train from Paris to Essen every day. The trip lasts 5 hours, which is largely enough to sleep a bit and read a lot. This year, I had brought a heavy and serious essay, Europe’s India, by Sanjay Subrahmanyam, and it was a very appropriate choice.
I first met the old travel accounts by westerners who had been, or said they had been, in India when working on my PhD about unicorns in Renaissance and early modern writings. Since then, I’ve been fascinated not by the exotic by exoticism, by the fascinated and often fantasized perception of the far East in the old Europe. Both Edward Said and his main critics build models, starting with the orientalist paradigm, look for answers and explanations. Sanjay Subrahmanyam makes little use of the word orientalism, stays close to the written sources and ask interesting and sometimes humorous questions.


Greedy Kingdoms

His long last chapter on India’s Europe reverts the usual perspective – exactly like what I have experienced in Greedy Kingdoms, the game by Hayato Kisaragi which I have reworked a bit and whose new edition was shown on the fair, and whose art show medieval Europe as imagined by Japanese culture, a cute and fun sartorial and architectural mix, if not mess. Encouraged by this, I had a bit of fun looking for other « occidentalist » games on the both of the asian publishers, and I found enough stuff to consider updating, one of these days, my long article about exoticism in boardgames. I’m wondering why, for example, the archetypal exotic Europe seems to be  Germany for the Japanese and Italy for the Chinese.


Venture Angels with the Mandoo Games team. Look how tall I am!

I wandered in hall 4, the most exotic one, with all the Taiwanese, Korean, Indonesian and Japanese publishers. Most Chinese booths were still that of printing factories, but some of them were having a try at publishing. I also met in the alleys publishers or distributors from Malaysia, Brasil, Argentina, India, Iran, Thailand and even Iceland, which in a way was the most exotic. I bet next year some of them will have a booth, and designers will follow, as it happened with Japan and Korea.

Dej with the publisher, Alireza, on the right, and a happy persian speaking gamer.

The boardgame market and business is getting global. I had a new game, Venture Angels, at a Korean publisher, which was very soon out of stock, and another one, a localized version of Citadels, at an Iranian one, and I had meeting to discuss future games to be published in Japan. People were betting on Asmodee’s next acquisitions, and the odds seem to favor Russia and Korea. I ended the fair on Sunday night with signing a contract for y first co-design with the young Korean designer Yohan Goh.


Playing Dragons at the small and nice German distributor, Boardgamebox.

I had a busy schedule made of signings of Fist of Dragonstones, Dragons, Greedy Kingdoms and Venture Angels, pitching game ideas to publishers, and discussing future games already in the pipe. This means one appointment every hour, sometimes even every half an hour, especially on Friday, when one needs ten long minutes to walk from one hall to another. On Sunday, a solid and lasting hangover made things even more difficult. I used the Matagot booth, in, hall 3, as a home base and the Iello one, with its deep and large white armchairs, as a resting place.


Lost in the Woods somewhere in the Asmodee pro zone…. I didn’t even see it!

I had brought a few prototypes to show to publishers, and several of them raised some interest, though I’m not sure yet this will end with a publishing contract. In fact, almost all publishers wanted the same game, a fun and not so politically correct party game. Yohan and I finally chose the one who had the best publishing ideas, suggested a new and really fun rule, and proposed that we signed on the spot. I still owe some apologies to the Hobbyworld team, since I had more or less promised them this game when we met in Moscow. I think they understood why we finally made another choice.


Signing of the Lifestyles contract with a publisher who prefers so far to stay anonymous. it was on Sunday night, so we were all drinking only sparkling water.

Other designers, such as Brett Gilbert and Arve Fühler, have twitted or have told me they also got offers to sing a publishing contract on the spot. After globalization, the second novelty of this fair might be acceleration. There are more and more games, and they are published faster and faster, as if no-one wanted to take the risk of being overtaken.
This might be one more sign that we are in a bubble, probably the most discussed topic in Essen. Those who, like me, are afraid of this for a while point at the absurd number of new games published in Essen, almost 1500, at the burgeoning of new small publishers coming out of nowhere thanks to the new opportunities to do the small and large print runs, at the unrealistic number of gamers wanting to become designers or publishers, at the first signs of a turnaround on Kickstarter, and basically argue that the popularity of boardgames might be a passing fad. Those who think there’s still room for growth insist on globalization and new markets, on innovating game systems, on the perpective of real/virtual hybrid games, and argue that there are serious social and lasting reasons for people wanting to play more than ever. Let’s live and see…

Of course, you want me to tell what were the best new games on the fair. With so many people, so many games, so many networks and microcosms, no single game can become the one uncontested star. I can just list the games I have heard praised by my friends, Treasure Island, Wangdo, Everdell, Orbis, Detective Club, Senators, Western Legends and Cosmic Factory,  those in the Fairplay ranking, Belratti, City of Rome, Lift Off, Coimbra and Neom, or those in the Boardgamegeek’s Geekbuzz, Azul – Stained Glass of Sintra, Teotihuacan, Everdell, Coimbra, Chronicles of Crime, Blackout – Hong Kong. These very different lists show that while everybody agreed it was a great year with great games, none of them was the undisputed star of the show.

Like every year, there are a few good friends who were probably there and whom I never met – sorry for this, and hello. There are a few other ones whose paths crossed mine all the time, such as Martin Wallace, Stephen Buonocore, Ludovic Maublanc or Liesbeth Bos…. See you next year.

Venture Angels

Venture Angels est un jeu de bluff et d’enchères à demi secrètes, un genre déjà bien balisé auquel je m’étais déjà essayé il y a une quinzaine d’années avec Corruption, dans lequel les joueurs étaient des entrepreneurs en bâtiment cherchant à obtenir des contrats publics, puis avec Vabanque, où ils cherchaient à prendre le contrôle de casinos. Plus encore que Corruption et Vabanque, Venture Angels est un jeu rapide et minimaliste, tant par ses règles que par son matériel. Cela n’a rien d’étonnant – dans des jeux où l’essentiel se passe dans la tête des joueurs, il n’est pas nécessaire que beaucoup se passe sur la table.
Chaque joueur est donc un milliardaire qui cherche à investir ses milliards dans des projets susceptibles de lui rapporter encore plus de milliards. Les projets d’investissement sont divisés en trois grandes catégories, tout ce qui touche à la conquête spatiale, à l’informatique et à la biologie. Au début de chacune des trois manches du jeu, un certain nombre de projets sont révélés, puis les joueurs misent secrètement, un à un, des jetons valant 0, 2, 3 ou 4 milliards de dollars sous les projets de leur choix. Les jetons sont ensuite révélés, et l’on regarde tout d’abord si certains projets ont échoué. C’est le cas de ceux dont le financement total est insuffisant, ainsi que de celui où les sommes totales investies sont les plus élevés. Les projets insuffisamment financés échouent, et le projet le mieux financé était trop tentant, quelqu’un est parti avec la caisse.

C’est en commandant des jeux sur Kickstarter, ce qui m’arrive un peu trop souvent, que j’ai eu l’idée qui fait tout l’intérêt et l’originalité Venture Angels, le seuil de financement, en deçà duquel tous les investissements consacrés à un projet l’ont été en pure perte. Amusante et pertinente, cette règle encourageait cependant un peu trop les joueurs à se concentrer sur les quelques projets les plus ambitieux. C’est donc pour contrebalancer cette première exclusion que j’en ai introduit une seconde, faisant également échouer le projet le plus financé. Cela crée des dilemmes intéressants pour les joueurs poussés à se diversifier, mais pas trop, tout en gardant un œil sur les choix de leurs concurrents.

Bien évidemment, les premiers prototypes du jeu avaient pour thème Kickstarter, et les catégories étaient gadgets technologiques, jeux video et jeux de société, parmi lesquels Cohen Le Barbare, le 7ème Incontinent, Cards against Humidity et Exploding Mittens. Malheureusement, le thème ne fonctionnait en fait pas très bien, une campagne Kickstarter n’étant pas vraiment une enchère avec un gagnant, et très rapidement je suis passé à l’univers des milliardaires de la Silicon Valley.

Première partie du prototype à Séoul avec Kevin Kim, Vincent Dutrait, Yohan Goh (enfin, je crois que c’est lui de dos) et leurs amis joueurs.

Une toute première ébauche de ce jeu, que j’avais avec moi à la Gen Con 2017, avait déjà suscité quelque intérêt chez des éditeurs. Quelques semaines plus tard, lors d’une brève visite à Séoul, je montrai une version un peu plus développée à Kevin Kichan Kim, de Mandoo Games, qui décida presque aussitôt de le publier. Le développement du jeu a ensuite consisté essentiellement à bricoler un peu les mécanismes pour aider un peu les joueurs en retard et leur permettre de se refaire, afin que le jeu reste toujours ouvert et tendu jusqu’à la troisième et dernière manche. Nous avons donc introduit l’un après l’autre l’obligation pour les joueurs en tête de jouer leurs premiers jetons visibles, un système de score qui limite les possibilités des joueurs qui ont déjà remporté plusieurs cartes, et un petit jeton bonus pour le dernier joueur. C’est l’équipe de Mandoo Games qui a eu l’idée de remplacer les cartes de mon prototype par des jetons, dont la manipulation est bien plus agréable et qui suggèrent bien que c’est là un jeu d’argent et de paris. Les graphismes de Ian O’Toole, aussi minimalistes et légers que les mécanismes du jeu, sont parfaitement adaptés.

Venture Angels
Un jeu de Bruno Faidutti
Illustré par Ian O’Toole
2 à 5 joueurs – 15 minutes
Publié chez Mandoo Games, 2018, en anglais et coréen
et en persan chez Houpa games.


Venture Angels is a bluffing and half-secret bidding game, a genre I had already given a try fifteen years ago with Corruption, a game about building contractors, and to a lesser extent with Vabanque, a game about Casinos. Both were relatively simple games, but Venture Angels is even more minimalistic, both with rules and components. In games in which most of the action takes place in the players’ minds, there’s no need for much complexity on the game table.

Each player is a billionaire who tries to invest in various ventures which will yield even more billions. There are three suits, three domains in which to invest, space, computers and biology. The game lasts three rounds. Every round, several projects are drawn and players secretly bid tokens, with values of 0, 2, 3 or 4 billion dollars, on the projects they want. When bids are revealed, players first check which projects succeeded or failed. All the ventures for which the sum of all players’ bids is lower than the funding goal fail. the single one with the most money invested also fail, since some clever guy left with all the money.

The original idea in Venture Angels is the funding goal, an idea I obviously had when pledging games on Kickstarter, something I do a bit too often. if there’s not enough money bid on a project, all the money has been spent in vain. This rule is fun and logical, but it had a pernicious side effect, encouraging players to focus on the two or three most ambitious projects. This is why I balanced it with a second rule: the project hat got the highest total funding also fails. this makes for really interesting dilemmas, since players must diversify, but not too much, while always trying to check their opponents.

Of course, the game was first called « kickstarter, the game », and the categories were technological gadgets, video games and boardgames. Among the latter were Cohen the Barbarian, the 7th Incontinent, Cards against Humidity and Exploding Mittens. Unfortunately, the crowdfunding game didn’t work that well, since a kickstarter campaign is not really an auction with one winning bidder. I had to change the theme while keeping the core funding goal idea, and the next idea was silicon valley billionaires.

A first game of the Venture Angels prototype in Seoul, with Kevin Kim, Vincent Dutrait, Yohan Goh (well, I think it’s his back in front of the picture – if one can see a back in front.

I brought a first version of Venture Angels with me at Gen Con, in 2017. Publishers were interested, but nothing was firmly decided. A few weeks later, I spent a few days in Seoul and showed a more developed version to Kevin Kichan Kim, of Mandoo games, who almost at once decided to publish it. The development was fast and easy, consisting mostly of adding catch-up mechanisms so that all players can still win until the third and final round. Players in the lead must now play their first tokens face-up, and there’s even a small bonus token for the last player in the last round. My prototypes used cards, the publisher replaced them with poker-like chips which make the game really feel about money and bidding. Ian O’Toole’s art, as minimalistic and light as the game, fit perfectly.

Venture Angels
A game by Bruno Faidutti
Art by Ian O’Toole
2 to 5 players – 15 minutes
Published by Mandoo Games, 2018, with English and Korean rules
Published in Persian by Houpa games