Poisons

J’ai rencontré Chris Darsaklis au salon d’Essen, sur le stand de Repos Production. Il y présentait When I Dream, son jeu d’associations d’idée très rigolo, et moi Secrets. Comme chaque fois, ou presque, que je croise un auteur de jeu, nous avons discuté d’une possible collaboration. Quelques mois plus tard, je recevais de Chris un powerpoint présentant une petite dizaine d’idées de jeux, dont l’une me semblait tout de suite amusante. L’un des joueurs y était le patron d’une entreprise, les autres ses salariés cherchant à se venger des petites humiliations quotidiennes en crachant discrètement dans son café.

Le thème corporate était original et rigolo, mais ne faisais pas rêver et je doutais qu’il puisse jamais convaincre un éditeur. C’était l’époque où tout le monde regardait Game of Thrones, et je proposais donc un univers plus romantique, et me semblait-il plus vendeur, des rois et reines réunis pour un banquet, portant des toasts et cherchant à s’empoisonner les uns les autres. Un autre jeu sur ce thème était certes sorti récemment, Raise your Goblets de Ian Page, mais les mécanismes en étant assez différents, cela ne me semblait pas un problème.

Le nouvel univers entraina d’emblée un changement important dans la structure du jeu. Si tous les joueurs sont des rois ou reines, ils sont en effet tous à la fois des assassins en puissance et de potentielles victimes.

Chaque joueur a donc un verre, représenté par une carte à sa couleur, des cartes de score, un certain nombre de cartes vin, et deux cartes uniques, poison et liqueur. Chacun révèle une carte de score, indiquant le nombre de points qu’il pourra marquer s’il boit sans être empoisonné. Les joueurs se passent ensuite les verres de main en main, plaçant en dessous de chacun une carte vin ou poison. Lorsque le tour de table est terminé, chacun, simultanément, décide de boire ou non le contenu de son gobelet. Un joueur qui ne boit pas marque un point; un joueur qui boit un verre non empoisonné marque autant de points, entre 2 et 5, que sur sa carte de score, plus un point par dose de liqueur dans son gobelet; un joueur empoisonné ne marque bien sûr aucun point. C’est le jeu auquel nous sommes assez rapidement arrivé, c’est resté le jeu de base, et il fonctionne très bien.
Comme cela nous semblait un peu léger pour les joueurs les plus exigeants, nous avons tenté d’y ajouter quelques autres éléments. D’abord, parce que c’est un peu ma spécialité, nous avons essayé d’attribuer à chaque joueur un pouvoir spécial. Il y avait l’ivrogne, le prêtre, la sorcière, le tastevin, mais c’était déséquilibré et ne fonctionnait pas très bien. Nous avons alors décidé de développer plus avant la carte liqueur, en en faisant une carte spéciale dont les effets seraient différents à chaque manche. Philtre d’amour, potion magique, antidote, cordial et quelques autres permettent donc de créer un jeu plus varié et plus amusant – mais comme cela devenait parfois un peu tordu, nous en avons fait une règle avancée, que je vous suggère néanmoins d’adopter très rapidement.

Trouver un éditeur pour ce jeu s’est avéré assez facile. Ankama était l’un des deux ou trois auxquels j’ai présenté ce jeu à Paris est Ludique, en juin 2018, et il ne leur a fallu que quelques semaines pour décider de le publier. Le développement a consisté essentiellement à modifier le nombre, les effets et le fonctionnement des cartes spéciales. Chris est marin, ce qui lui permet d’avoir des testeurs fidèles mais rend la communication un peu irrégulière, et c’est surtout moi qui me suis occupé des contacts avec l’éditeur, que je suis allé visiter plusieurs fois dans ses étonnants locaux de Tourcoing. Plusieurs jeux s’appelant déjà Poison, le nôtre est devenu Poisons, avec un s. Les illustrations ont été réalisées par Marion Arbona, une pointure de l’illustration de livres pour enfants, et le résultat est impressionnant, tout à la fois léger et inquiétant, à l’image de notre jeu.

Si vous aimez les jeux d’embrouille et de bluff, si vous appréciez Mascarade, Secrets ou Citadelles, vous aimerez certainement Poisons. L’un des joueurs qui l’a essayé au dernier salon d’Essen l’a résumé ainsi : au premier tour, on joue un peu au hasard; après on se venge.


Présentation de Poisons sur le stand d’Ankama, au salon d’Essen 2019

Poisons
Un jeu de Chris Darsaklis & Bruno Faidutti
Illustré par Marion Arbona
3 à 8 joueurs  – 15 minutes
Publié par Ankama (2020)
Boardgamegeek


I first met Chris Darsaklis at the Essen fair, on the Repos Prod booth, where he was demoing When I Dream, a really fun and seriously overproduced party game, while I was demoing Secrets. As almost every time I meet a new game designer, we discussed the possibility of a collaboration. A few months later, Chris emailed me a powerpoint presenting a dozen rough game ideas, one of which sounded really clever and fun. One of the players was a company boss, the other ones his employees trying to take revenge on small daily humiliation and losing the class struggle with discreetly spiting in the boss’ coffee.

The corporate theme was fun and original, but not really exciting and therefore hard to pitch to a publisher. It was the time when everyone was watching and discussing Game of Thrones, so I suggested a less original but more romantic setting, kings and queens gathered at a banquet, raising toasts to each other and (more or less) secretly trying to poison one another. There was already a game with this exact setting, Ian Page’s Raise your Goblets, but the game systems being completely different, I didn’t think it was a problem.

The change in setting had an immediate effect on the game structure. If all players are kings or queens, they were all would be murderers and possible targets.


Playing Poisons with Chris Darsaklis (left) at the 2019 Essen game fair

Each player has a glass card in their color, scoring cards, wine cards and two single cards, poison and liquor shot. Each player reveals a scoring card, giving the number of points they can score this round if the drink without getting poisoned. Players then pass their goblets around the table, adding either a wine or poison card under each goblet. When everybody gets their cards back, all players simultaneously decide whether they drink or not. Not drinking scores 1 point, drinking a non-poisoned glass scores the value on the player’s scoring card plus one for every liquor shot, drinking a poisoned glass scores nothing. This is the basic game we very soon had, it worked very well and we didn’t change much to it.
On the other hand, it felt a bit light for seasoned players, so we decided to add some stuff. We first tried my specialty, character abilities – there was a witch, a bishop, a winemaster, a drunkard, but it felt unbalanced and didn’t fit that well. So we developed the « liquor shot » card idea, replacing it with a special card whose effects will be different every round. Love potion, elixir, antidote, cordial and several more make the game more fun and varied. On the other hand, it can make it a bit more complex, so it became an optional advanced rule, but I suggest you adopt it after one or two games.

Finding a publisher for this game was relatively easy. Ankama was one of the two or three publishers I pitched the game to at Paris est Ludique, in June 2018, and they decided to publish it after a few weeks. Further development was essentially minor changes in the number and effects of special cards and the way they are chosen. Chris being a sailor, he has regular playtesters on board, but he’s not always reachable. I was the one discussing with the publisher, and even made a few trips to Tourcoing, visiting their impressive offices. Since there were already a few games named Poison, our was renamed Poisons, with a final s. The art by Marion Arbona, a well known French children book illustrator, is impressive, both light and dark, like our game..

If you like bluffing card games like my Mascarade, Citadels or Secrets, you will love Poisons. As one of the players who played it at the last Essen fair said :” first round is a bit random, and then it’s all about revenge”.

Poisons
A game by Chris Darsaklis & Bruno Faidutti
Art by Marion Arbona
3 to 8 players  – 15 minutes
Published by Ankama (2020)
Boardgamegeek


It’s German, it probably means something like Poison, but I think the word looks and probably sounds cool.